À la lecture du synopsis et à la vue de l’affiche du film, on se dit que cela va être quitte ou double. Soit on va se retrouver devant une comédie de cité lourdingue et vulgaire du type « Les SEGPA » (pour prendre le pire), soit dans une œuvre à portée plus sociale et tragique comme l’était « Divines » auquel on pense beaucoup (et on osera le dire : en mieux). Ou même un mélange de ces deux courants plutôt antagonistes. Eh bien, heureusement pour nous, c’est clairement dans la seconde catégorie que se loge « HLM Pussy ». On pense donc certes beaucoup à « Divines » mais aussi à « Bande de filles » de Céline Sciamma qui prenait également trois jeunes filles de banlieue comme héroïnes et, à moindre mesure, un peu au Kechiche des débuts du type « L’Esquive » avec les gouailles de Sabrina Ouazani et de Sara Forestier qui débutaient comme le font ici les trois jeunes filles qui portent le film. En tout cas, pour son premier film Nora El Hourch frappe fort avec un film de banlieue au féminin bourré de charme, traversé d’une énergie épatante et porté par trois jeunes actrices incroyables.
« HLM Pussy » présente vite ses enjeux à travers une scène inaugurale très habile. La caméra filme deux banlieusards masculins qui parlent dans un restaurant kebab. On pense d’ailleurs que le film pourrait se centrer sur eux ou, au moins, qu’ils vont faire partie de l’histoire. Leur discussion dévie sur les filles et ils se retournent pour parler à la table derrière eux. La caméra filme alors ladite table pour nous présenter trois jeunes filles qui vont habilement recaler ces garçons. Elles seront nos trois héroïnes et on entendra plus parler des deux jeunes hommes. Une façon pour la cinéaste de montrer que la banlieue c’est elles aussi et surtout que les filles en ont marre d’être cantonnées à de la figuration dans les quartiers, à être soumises à leurs aînés ou encore au patriarcat. Également, après une scène pivot en début de film, le thème du consentement devient le centre du récit et c’est aussi quelque chose qui est mis en lumière dans le film et doit l’être dans les banlieues selon la cinéaste. Un sujet d’ailleurs très à la mode depuis quelques années et le mouvement MeToo, qui peut lasser à force d’être vu et traité tout le temps et partout, mais qui ici est mis sous un jour plus rare et parfaitement appréhendé pour une œuvre forte, vibrante et nécessaire.
Tout ici sonne juste. On est dans le réalisme et la vérité, sans cliché positifs ou négatifs. La loi du silence quand un homme harcèle, la peur, l’envie d’émancipation mais aussi tout ce qui a trait aux différences sociales et de milieu, puisque l’une des trois filles vient d’une famille aisée, est traité de façon directe, efficace et nuancée. C’est très bien décortiqué et le script fait preuve d’une maturité exemplaire. Pour ne rien gâcher, la mise en scène de Nora El Hourch est très réussie, à la fois moderne et pleine d’idées nous gratifiant même de quelques plans très malins et évocateurs (ces lignes de bus en prises de vue aérienne qui partent dans des directions opposées symbolisant deux milieux sociaux très différents). Ajoutons à cela l’énergie incroyable du trio Leah Aubert, Medina Diarra et Salma Takaline, toutes plus ou moins débutantes et impressionnantes de véracité. Quelques séquences sont également très chargées en émotion comme celle où le père de l’une d’entre elles craque. Bérénice Béjo, dans un second rôle inattendu, apporte un joli contrepoids plus adulte à tout cela. Au final, « HLM Pussy » est une belle petite surprise et une réussite au message féministe fort et réussi en plus d’un discours engagé amené de belle manière. À découvrir!
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