Ennui distingué
J’avoue ne pas avoir vu le 1er film d’Isabelle Brocard, qui date de 2011, Ma compagne de nuit. Mais ces 92 minutes de drame historique étaient très attendues… trop sans doute. Milieu du XVIIème siècle, la marquise de Sévigné veut faire de sa fille une femme brillante et indépendante, à son image. Mais plus elle tente d’avoir une emprise sur le destin de la jeune femme, plus celle-ci se rebelle. Mère et fille expérimentent alors les tourments d’une relation fusionnelle et dévastatrice. De ce ravage, va naître une œuvre majeure de la littérature française. A part la superbe reconstitution de l’époque du grand siècle, c’est lent, beaucoup trop elliptique, froid, distant et trop souvent répétitif. Bref ! Une déception.
De toute évidence, la cinéaste s’est intéressée de très près aux relations mère/fille, dans ce qu’elles ont de primitif, constitutif et de destructeur. Ici, les deux personnages alimentent à part égale une sorte d’aliénation réciproque. Mais le désir de parler du présent – quitte à se permettre quelques anachronismes un peu gênants -, avec acuité à travers cette histoire est très prégnant, jusqu’à phagocyter le lien brûlant et torturé qui unit les deux femmes. Par contre, quand le film tente de nous faire comprendre combien l’époque était difficile avec ses guerres, ses épidémies terribles, ses impôts imposés par la brutalité d’un roi expansionniste, le manque de moyens patents pour la réalisation de ce film, plombe les bonnes intentions. Alors, les scènes se répètent, dispute, réconciliation, dispute, réconciliation, etc. jusqu’à plus soif. Le récit semble presque statique malgré les superbes décors, du château de Courances à celui de Grignan, de la Bretagne aux bords de Loire. Les costumes, les intérieurs, les accessoires, les éclairages – souvent inspirés des toiles de Nicolas Poussin -, tout est très soigné. Non le problème vient de l’écriture – un comble quand on parle de la plus grande épistolière française -, du côté trop lisse de la mise en scène qui n’a rien du flamboyant qu’on pouvait espérer.
Le casting est très bon, mais on sent tout de même les deux têtes d’affiche, Karin Viard et Ana Girardot, , - très crédibles -, un peu coinçées dans leurs corsets et les dialogues très littéraires… et pour cause. A leurs côtés, Cédric Kahn, Noémie Lvovsky, Robin Renucci, Cyrille Mairesse, s’en sortent avec les honneurs. Mais le désir louable de retranscrire les pressions sociales que subissent de tout temps les femmes, manque totalement du souffle émotionnel nécessaire. Mention passable.