Malgré tout ce qu'on a pu lire dans les gazettes du lendemain, non, il n'y a pas eu polémique, de sifflet, ni quelque fantasme de journaliste à scandale lors de l'ouverture du Festival de Cannes, quel dommage pour les gratte-papiers. Quant à nous, on garde notre opinion sur certaines affaires qui n'ont pas de rapport avec le film, afin de discuter de ce qui nous intéresse vraiment, la vraie seule personne qui a fait scandale avec ferveur : Jeanne du Barry. Voici donc l'histoire de la courtisane du bas peuple qui est arrivée dans le lit de Louis XV, refusant de se plier aux manières de la Cour, redoublant d'affronts envers Sa Majesté, ce que cette dernière a adoré chez la jeune femme, en faisant sa favorite. Une bien belle histoire, gorgée d'affection pour ses personnages, qui jure carrément avec le style épouvantable de la mise en scène, donnant à la séance des airs de lutte incessante entre le fond et la forme. Le montage est catastrophique, oubliant parfois des scènes (la Du Barry qui apprend le violoncelle avec un professeur : "Vous vous améliorez, mais...", cela coupe, en pleine phrase, et Du Barry est à la fenêtre à observer une calèche qui arrive. On a l'impression que la "bobine" a sauté), coupant au hachoir les dialogues de Johnny Depp (pour qu'on entende le moins possible son accent ? Pourtant, on finit par s'y habituer, après s'en être étonné au début...), insérant des plans très niais (elle s'élève dans la société, alors faisons-lui monter trois grands escaliers sur une musique pompeuse, facilement remplaçable par celle de Rocky, ou encore ce plan d'orage totalement gratuit pour souligner sa déchéance...), mettant une voix off sur-explicative qui répète ce qu'on voit déjà à l'écran ("qui a mis l'option audiodescription ?!"), faisant de certains personnages des caricatures dignes de téléfilms (les filles du Roi qui ressemblent aux sœurs dans Cendrillon). Mais, puisqu'il y a un "mais", on n'arrive pas à détester ce biopic qu'on sent sincère, surtout avec le jeu tendre de Depp, avec l'interprétation (comme d'habitude) stupéfiante de Benjamin Lavernhe (il est celui qui crève l'écran, qu'on le couvre de prix, depuis le temps !) en conseiller du Roi et accompagnateur de ses Dames qui est moins insensible qu'il voudrait bien le prétendre, avec une musique parfois somptueuse, des costumes et décors forcément magnifiques, avec une facilité d'introduction dans cette intrigue qui est très agréable (vous êtes une bille en Histoire ? : aucun problème), avec un rythme qui s'essouffle à la fin mais a tenu la barre jusque-là. On ne ressort pas de ce film d'ouverture du Festival en faisant la révérence, ni même en tapotant des talons (vous comprendrez au visionnage), mais en ayant tout de même aimé tenir la chandelle de ce joli duo improbable, tant fictionnel que réel. Et vraiment, qu'on couvre d'or Benjamin Lavernhe !