Quelle déception et quel ennui que ce « Jeanne du Barry » de Maïwenn. On en connait le thème : Jeanne Vaubernier, fille du peuple avide de s’élever socialement, met à profit ses charmes pour sortir de sa condition. Son amant, le comte du Barry, qui s’enrichit largement grâce aux galanteries lucratives de Jeanne, souhaite la présenter au roi. Il organise la rencontre via l’entremise de l’influent duc de Richelieu. Celle-ci dépasse ses attentes : entre Louis XV et Jeanne, c’est le coup de foudre… Avec la courtisane, le roi retrouve le goût de vivre – à tel point qu’il ne peut plus se passer d’elle et décide d’en faire sa favorite officielle. Scandale : personne ne veut d’une fille des rues à la Cour…. Ce qui semble avoir intéressé réellement la cinéaste, c’est le parallèle qu’elle se permet de tisser entre la Comtesse et son propre parcours, appuyé par le fait qu’elle s’octroie le rôle principal. Pour elle, le mépris de classe subi par le personnage historique est comparable à celui d’un milieu du cinéma qui n’aurait jamais accepté son parcours atypique et ses relations scandaleuses…Elle a vu en Jeanne du Barry un personnage qui, de son propre aveu, faisait écho à une période de sa vie, quand elle avait quinze ans, au moment où elle épousa un célèbre réalisateur, homme de pouvoir et grand nom du milieu du cinéma français. Elle s’évertue alors à tenter d’aligner sa propre vie sur celle de la « du Barry », au risque d’une réécriture historique parfois fallacieuse, pour raconter le destin d’une fille des rues amenée malgré elle comme un jouet consentant dans un monde de fastes et de bijoux ruisselants, régie par le regard des autres, mais aussi celui que l’on porte sur soi… Le physique de l’actrice-réalisatrice correspond à des canons esthétiques tellement contemporains, qu’il freine à l’identifier à son modèle. Ses cheveux très noirs et souvent détachés semblent peu probables à la cour de Versailles…L’actrice s’en retrouve à en faire des caisses dans le cabotinage, tandis que Johnny Depp signe son fameux “grand retour” sur les écrans en offrant la performance la plus éteinte possible, et on a rarement vu l’acteur si absent de lui-même, dans une prestation aussi désincarnée, peu investi, comme resté mentalement dans sa loge… De plus son accent anglo-saxon ne lui permet pas d’aligner plus de trois mots par phrase de dialogue, malgré ses efforts pour cacher ses origines américaines
Le film est par ailleurs plombé par une voix off qui surligne tout ce qui se passe à l’écran, de l’ascension sociale fulgurante à la force du jarret aux disputes de basse-cour….
Production ample dont le budget avoisine les 22 millions d’euros, « Jeanne du Barry » ne serait qu’une énorme entreprise de cabotinage dans un nuage de poudre et de perruques, où la cinéaste dans le premier rôle tire toute la couverture à elle. Où est la flamme ? La passion ? L’explosion des conventions ? Même portée par une musique qui ose le lyrisme et le grandiose, cette histoire d’une femme bulldozer peine à tout emporter sur son passage ; à nous embarquer ailleurs, plus haut, plus fort. Bien plus sage, peut-être trop appliqué, son nouveau film manque d’un grain de folie, quelque part, pour qu’on se retrouve tout chamboulé à la fin de la séance.