Souvenir impérissable de la 76e édition du festival de Cannes ? C'est toujours la même rengaine concernant ces films d'ouverture, qui restent fondamentalement peu dans l'esprit. Cette mise en bouche a néanmoins le prestige de faire briller le tapis rouge, dans un acte de provocation qui ne rime pas forcément avec célébration. Maïwenn débarque en tandem avec un Johnny Depp qui n’en a pas fini avec sa carrière. Le duo a de quoi séduire sur le papier, mais le souci vient d’ailleurs, au-delà d’un tapage médiatique qu’il est tout à fait pertinent de développer. Mais ce ne sera pas pour cette fois et surtout pas ici, dans le théâtre du septième art.
Jeanne du Barry est-elle une femme à aimer ? Maïwenn (Polisse, Mon Roi, ADN) nous interroge sur la manière d'appréhender une romance incongrue dans la cour de Versailles, un lieu emblématique et lumineux qui n'est pas représentatif d'un récit aussi sombre. Dans le fond, il s’agit bien de Jeanne tout court et non pas de madame du Barry qui nous préoccupe. Cette femme qui n’a rien à perdre, s’est finalement perdu elle-même dans les bras du grand souverain de la France. Louis XV, campée par un Johnny Depp assez crédible pour le peu de temps qu’il a consacré dans une romance au cœur de Versailles et de ses mille coutumes grotesques.
Passé le cap de cette rencontre, le train de vie s’installe, où Jeanne bouleverse constamment les mœurs et les codes de son palace. La favorite du roi est scannée sous tous les angles, mais dont on connaît déjà toutes les coutures. A partir de là, les cérémonies s’enchainent, créant en un semblant de malaise que l’on n’adhère pas toujours depuis notre fauteuil qui rétrécit de plus en plus. Les divers changements de ton ne sont que des exemples parmi tant d’autres, prouvant que le récit manque cruellement d’identité et de lucidité. On passe son temps à geindre et à surligner la peine d’un vilain petit canard qui fanfaronne de la galerie des Glaces jusqu’au souper royal. Cette irrévérence a pourtant trouvé un bon point de chute dans la Marie-Antoinette de Sofia Coppola, tandis que nous ne retiendrons que la noble et discrète assistance de La Borde (Benjamin Lavernhe) au milieu de tout un tas d’excentricités mondaines.
Que peut-on retenir d’autre de cette liaison passagère, qui pointe maladroitement du doigt la gent féminine, qui n’est d’aucun soutien pour Jeanne ? Une des filles du roi, Adélaïde (India Hair) et Marie-Antoinette (Pauline Pollmann) opposent une vaine résistance qui rappelle les belles-sœurs de Cendrillon. Leur fourberie n’est pourtant pas aussi irritante qu’une voix-off imposante qui écrase les tentatives de narration, que l’on sent confuse à l’entrée comme à l’arrivée. La photographie de Laurent Dailland et la mise en scène sans prétention de Maïwenn transforment chaque plan de Versailles comme le musée qu’il est aujourd’hui. De même, la musique épique de Stephen Warbeck est gâchée par ce manque de mouvement à l’écran. Il existe des contresens de ce genre tout le long de l’intrigue, qui est convaincu d’avoir réuni les bons ingrédients d’un biopic. Au lieu de cela, c’est tout une fiche technique sur le grand lever du roi qui piétine et qui bourdonne de manière didactique.
Jeanne du Barry est donc loin d’être notre favorite dans ce jeu de séduction qui marche à reculons. Versailles est toujours trop grand et trop prestigieux pour être abordé avec une telle dérision et la cinéaste récolte la double peine en incarnant l’héroïne, en espérant que son expérience personnelle entre en résonance avec cette figure historique. Cette approche semble avoir totalement dénaturé un mélodrame qui a de quoi mériter notre attention, néanmoins dans une autre forme où sa patte sera perceptible et dans une humeur moins égocentrique.