"Together Together" est le genre de petit film que l'on a tendance à aborder à la légère. Après tout, des comédies indé US de cet acabit, néo-"WoodyAlleniennes" dans l'âme, au ton doux amer et avec un inévitable pitch/prétexte (un homme célibataire engage une mère porteuse), on en a déjà croisé une telle multitude, plus ou moins interchangeables, que l'on en vient même à oublier la possibilité de découvrir une bonne surprise capable de nous charmer à nouveau. "Together Together" est heureusement là pour nous le rappeler de façon éclatante.
Quelque part, on le ressent dès la scène d'entretien inaugurale où Matt (Ed Helms à son meilleur) interroge Anna (Patti Harrison, une géniale révélation !) dans le but de déterminer si elle fera oui ou non une bonne candidate pour porter son enfant: le deuxième long-métrage écrit et réalisé par Nikole Beckwith ("Stockholm, Pennsylvania") semble être capable de faire vraiment mouche par la qualité de ses dialogues et celle de ses interprètes pour les faire vivre avec drôlerie et émotion. Et notre pressentiment va vite se vérifier !
Comme son titre l'indique, "Together Together" nous narre la réunion des deux personnages durant la grossesse d'Anna (le film est séparé en chapitres sur les trois trimestres) tout en montrant leurs implications différentes l'une de l'autre selon ce que l'arrivée de cet enfant doit signifier dans leurs vies respectives. Évidemment, ce postulat va en réalité servir de support symbolique à la rencontre de leurs deux solitudes que tout devrait normalement opposer.
À la quarantaine bien tassée, Matt est en effet arrivé à un stade de son existence où il lui est désormais insupportable d'être seul, l'unique porte de sortie qu'il a pu envisager à son désespoir est la conception d'un bébé sur lequel il reporte son trop-plein d'affection avant même sa naissance. De son côté, la mère porteuse de 26 ans utilise cette grossesse comme tremplin à un nouvel avenir alors qu'ironiquement c'est le fait d'être enceinte une première fois très jeune qui l'a conduite à s'enfermer sur elle-même, en rompant le contact avec une famille et un entourage peu à même de comprendre ses choix.
Le suivi de la grossesse va les rapprocher, d'abord sur le ton de la légèreté avec un Matt beaucoup trop omniprésent auprès d'Anna (Ed Helms est parfait dans ce type de personnage envahissant, aux maladresses révélatrices de ses failles) et dont les agissements excessifs cloisonnent sans le savoir encore un peu plus les bulles dans lesquelles le duo évolue chacun de son côté. Puis, lors d'instants partagés beaucoup plus poignants, notamment sur des choix en apparence anodins quant à la vie future du bébé, une connexion bien plus profonde qu'ils ne l'avaient soupçonnée va s'établir entre eux au fur et à mesure que chacun va laisser entrevoir sa détresse, contrecarrant tout ce qui avait pu les séparer jusqu'ici.
C'est en ça que "Together Together" va sans cesse briller, en s'employant à toujours trouver la bonne situation, à toujours trouver le bon échange savoureux de répliques pour fendiller les armures de Matt et Anna, laisser leurs souffrances aller à la rencontre l'une de l'autre et les voir s'apaiser dans une nouvelle forme de relation qui pourrait enfin les faire aller de l'avant. On en sort immanquablement touché, l'infinie sensibilité du regard posé sur l'évolution de ces personnages en fait ressortir un sentiment de justesse imparable sur ce qui noue entre eux.
L'alignement parfait entre la délicatesse de l'écriture, le détournement très malin de certaines références, la sincérité désarmante déployée par les comédiens derrière leurs rôles et une réalisation certes discrète mais toujours prête à capter la force d'un moment décisif (les ultimes instants !) envoie directement "Together Together" dans la case de ces pépites méconnues que l'on aimerait garder rien que pour soi tant l'humour et l'intelligence émotionnelle qui s'en dégagent nous irradient au plus profond de notre être. Et, bien après sa durée, on se surprend à fredonner les notes du thème musical principal avec un sourire déjà nostalgique du film et de ses héros si attachants.
Pas de doute, tous les signaux sont bien là pour asseoir notre conviction d'avoir assister à une vraie bonne surprise pas si courante du genre. D'ailleurs, un sourire nous échappe encore rien que d'y repenser...