En un sens, Neil Blomkamp est un réalisateur dans le même état catatonique que la mère de l'héroïne de "Demonic", comme enfermé depuis trop longtemps dans les illusions de ses courts métrages SF prometteurs, de ses projets avortés ou de suite chimérique à "District 9" (son plus grand succès à ce jour) qu'il n'arrive pas à concrétiser afin de confirmer les attentes placées en lui. De fait, ce retour inattendu par la petite porte avec un film en plus a priori atypique, combinant l'épouvante à ses obsessions high-tech, pouvait laisser espérer que la trop longue paralysie du bonhomme était sur la voie de la guérison et que sa carrière allait enfin être réveillée par un bon vieux miracle démoniaque... Hélas, les premiers signes de vie extrêmement balbutiants du metteur en scène/auteur Blomkamp sur un long-métrage horrifique donnent surtout envie de le replonger aussi sec dans ce coma dont il n'est visiblement pas encore prêt à sortir pour nous impressionner à nouveau...
Pourtant, à travers l'histoire de cette femme ayant la possibilité technologique de s'infiltrer dans la tête de sa mère, victime d'un syndrome d'enfermement, et de découvrir les causes de son changement de personnalité radical restées sans explication jusqu'à ce jour (dommage que le spectateur en connaisse la nature dès le départ avec le titre et l'affiche...), on entrevoit un réel potentiel que Blomkamp va heureusement traduire de temps à autre par quelques bonnes idées en termes d'ambiance ou de modernité susceptibles d'emmener ce genre d'intrigue vers de nouvelles pistes. Mais, "Demonic" semble tellement avoir été conçu avec la pédale de frein enfoncée jusqu'au plancher de ses ambitions qu'il se refusera sans cesse à embrasser les meilleures directions induites par son caractère hybride et préférera jouer la facilité en se réfugiant dans les ressorts les plus familiers propres à ce type de récit de possession démoniaque.
En plus d'être mises en scène sans grande inspiration, les divagations virtuelles en resteront ainsi à de simples artifices juste bons à révéler la nature démoniaque de l'affaire dans la première partie ou à mettre un point final au trauma de l'héroïne dans le dernier acte (de façon complètement irrationnelle de surcroît au vu de ce qui se joue en dehors). De même, la rencontre plutôt bien pensée entre un décorum technologique et un attirail plus séculaire, connexe au démon en lui-même, ne sera finalement jamais exploitée, se cantonnant au stade d'une petite révélation et d'une imagerie de gros flingues/uniformes devenue une sorte de fantasme récurrent dans la filmographie de Blomkamp.
En fait, débarrassé de ces quelques trouvailles, "Demonic" suivra un déroulement complètement basique, limite fainéant, en forme de sempiternelle enquête sur les origines de ce mal surnaturel pour conduire à sa résolution étonnamment poussive. Les quelques apparitions (la morphologie de l'entité, mix entre un déballage démoniaque habituel et un côté insecte cher à son réalisateur, est à elle seule le symbole de la paresse bâtarde qui gouverne l'ensemble), les astuces scénaristiques pas toujours maîtrisées (le mirage d'un certain personnage secondaire) ou encore une narration beaucoup trop plate pour nous perdre entre rêve, virtuel et réalité de mauvais téléfilm (sans compter le manque de folie derrière la caméra malgré quelques rares fulgurances) n'amélioreront jamais le sort de cette chasse au démon définitivement brouillonne et prise au piège de l'incapacité de son propre auteur à s'épanouir à la lisière de deux genres.
À force de privilégier les détours les plus attendus d'une intrigue qui avait tout pour les éviter, "Demonic" en devient donc aussi générique que son titre, comme pour nous confirmer tristement qu'aucun remède n'a été trouvé pour améliorer l'état de paralysie générale dans lequel se trouve la carrière de Neil Blomkamp à l'heure actuelle...