J'ai lu avec amusement les critiques des professionnels du spectacle. Ecrites à la va vite, superficielles à mourir, sans trop comprendre les enjeux, elles se plantent sur l'aspect religieux.
Mon interprétation, c’est que c’est un cri d’indépendance de la part de la société islandaise.
Soyez patients, lisez lentement, et réactionnez uniquement si et seulement si vous avez tout lu et compris.
Je commence par la fin. Le réalisateur passe un chœur en honneur non pas de la langue islandaise, mais de la langue danoise, où elle est célébrée comme « la langue de ma mère ».
Or, l'Islande ne parle pas Danois. La langue islandaise est descendante du Vieux Norrois, langue parlée par les Danois, Norvégiens et Suédois vers 750-1000. Comme ce sont des Norvégiens qui ont peuplé l'Ile au IXe siècle, c'est leur langue "naturelle".
L'islandais, à la différence du danois (et des autres langues scandinaves), malgré les aller-retours politiques de fusion et division de ces royaumes, n'a pas pratiquement changé depuis le Moyen Age; l'islandais est la seule langue indoeuropéenne dont un homme du XXIe siècle peut lire et comprendre un texte médiéval (essayez de faire de même avec le Serment de Strasbourg ! je vous souhaite bonne chance). De ce fait, l'Islandais n'a pas de compréhension interlinguistique avec les autres langues scandinaves modernes, alors que ces dernières se comprennent partiellement à des différents degrés. Ceci explique le besoin d'un interprète entre le protagoniste et les membres de son expédition.
La compréhension des langues respectives est importante pour construire la suite. Par la technologie des protagonistes du film, nous supposons que l'action est antérieure à la création du Royaume d'Islande de 1918, et donc, que l'Islande est encore une possession danoise. Le danois est donc une langue hégémonique d'une couche dirigeante qui n’est pas îlienne. Ceci explique le mépris du prêtre envers Ragnar, à qui il considère un homme de seconde zone malgré le fait de lui avoir sauvé la vie.
A un moment, Ragnar explique comment il arrive à comprendre le danois : c’est l’exposition obligatoire à la langue danoise les dimanches. Ceci explique pourquoi quelqu’un qui ne parle pas islandais comme ce prêtre est capable de célébrer une messe en danois à des Islandais : ils en étaient obligés de comprendre au moins, la langue hégémonique.
Ça explique aussi comment le propriétaire de la ferme où se trouve l’église peut parler avec le prêtre. Il est Danois, et sa fille aînée est née au Danemark. Notons au passage qu’avoir une fille capable de jouer au piano des extraits du Petit Livre d’Anna Magdalena Bach, est un luxe asiatique dans une Islande pauvre où la subsistance se joue chaque été avant l’arrivée du blizzard et de la neige.
Cette perception de la supériorité sociale danoise est clairement formalisée par la fille aînée. Cette dernière n’aime pas le prêtre ; elle ne voit en lui que son billet de retour au Danemark. Elle ne ressent pas la maison familiale comme sa maison ; sa vraie maison est au Danemark.
Les chevaux islandais sont une partie importante du récit. Ils sont petits et trapus, ce qui convient à une zone froide où avoir le minimum de surface exposée aide à la préservation de la chaleur ; la même évolution on la constate chez les chevaux criollos de la Patagonie. Or, la mort d’un cheval est une perte très importante pour ces gens pauvres. Lors de la vente de foin, l’un des Islandais le laisse très clair : il vend le foin, pas les chevaux. Il en a besoin.
Maintenant qu’on a compris les rapports dominants / dominés, passons à la figure du prêtre.
Si vous avez lu que le prêtre a vu sa foi mise en question, oubliez, c’est parce que les critiques n’ont rien compris.
Le Prêtre n’est pas qu’un jeune imbu de sa personne. Il représente les Danois. Membre d’une caste dominante, il prend toutes les mauvaises décisions qu’il ne fallait pas : traverser l’île à pied au lieu d’aller en bateau, traverser un torrent malgré l’avis contraire du guide islandais qui va lui coûter la vie à son interprète et compagnon, se prendre d’inimitié avec Ragnar. Il ne perd pas la foi ; simplement, avec l’avancement de son aventure islandaise, il s’éloigne de plus en plus de la réalité et s’enferme dans sa bulle messianique. Cette aventure finit tragiquement ; intrus dérangeant dans un corps social qui ne demandait rien, transgresseur ayant tué deux fois, par accident et par négligence, ayant deshonoré une jeune femme, la violence de sa fin ne fait que correspondre à la violence qu’il avait infligé.
Quand au format, et aux couleurs, je ne peux que conjecturer. Je remarque cependant que si vous voulez voir de beaux paysages et des
Voici donc ma lecture, basée sur des considérations historiques et linguistiques. Votre avis me ferait un grand plaisir.