Les faussaires
L’inclassable Yolande Moreau ! C’est son 3ème film en tant que réalisatrice. Mais le précédent datait de plus de 10 ans. Alors ? Alors ces 103 minutes sont admirables et constituent à coup sûr son meilleur film à ce jour. Amoureuse de peinture et de poésie, Mireille s'accommode de son travail de serveuse à la cafétéria des Beaux-Arts de Charleville tout en vivant de petits larcins et de trafic de cartouches de cigarettes. N'ayant pas les moyens d'entretenir la grande maison familiale des bords de Meuse dont elle hérite, Mireille décide de prendre trois locataires. Trois hommes qui vont bouleverser sa routine et la préparer, sans le savoir, au retour du quatrième : son grand amour de jeunesse, le poète. Une perle de mélancolie qui, à mon humble avis, est un des plus beaux films de cette année. Une merveille.
On rit rarement aux éclats mais on a sans cesse le sourire aux lèvres. Cette comédie douce amère fait un bien fou. Avec Madame Moreau, c’est la poésie à l’état pur qui prend le pouvoir et qui submerge tout. Voilà un phalanstère de bras cassé et de cabossés de la vie comme on en a peu vu. Que ce moment de grâce ait reçu le prix du scénario à Angoulême n’est que justice. On déborde de sympathie pour cette troupe de faussaires qui nous parlent de notre besoin de rêver et de sublimer une réalité somme toute pas très excitante. Yolande Moreau dit elle-même : Nous faisons tous des mensonges… Et si nos mensonges étaient de petits arrangements avec la réalité pour la sublimer ? Et tous les subterfuges, ici, sont bons pour tutoyer ce but suprême : usurpation d’identité, petits trafics, faux tableaux, faux mariage… Et puis, sans parler du casting somptueux, s’il y avait une seule raison d’aller voir ce film, c’est bien la toute dernière scène digne des plus beaux moments de cinéma et qui témoigne de la splendeur sans cesse renouvelée du monde.
Alors donc, ce casting. Yolande Moreau, évidemment, en femme fantasque et vieille amoureuse, qui rend beau tout ce qu’elle touche. Sergi López, très sobre, Grégory Gadebois, à contre-emploi, Esteban, irrésistible de drôlerie, Thomas Guy, petit nouveau très prometteur, Anne Benoit, - parfaite -, William Sheller, qui se révèle comme un comédien né, et la réalisatrice qui en profite pour retrouver deux de ses vieux comparses de la troupe de Jérôme Deschamps et ensuite des Deschiens, François Morel – pour une seule scène… mais quelle scène ! - et Philippe Duquesne. Courez séance tenante, partager ce moment unique en compagnie de cette bande d’escrocs dans un vrai film d’amour et d’amitié.