En tant que réalisatrice, Yolande Moreau prend son temps : un film tous les 10 ans, c'est son rythme. A propos de "Henri", son film précédent, j'avais écrit il y a 10 ans: "Yolande Moreau est une réalisatrice prometteuse qui, espérons le, n’attendra pas 9 ans pour venir nous présenter une de ces histoires tendres et décalées dont elle semble avoir le secret". Ce n'est pas 9 ans que Yolande a attendus, ce sont 10 années et, malheureusement, "La fiancée du poète", film qui, certes, raconte une histoire pouvant être qualifiée de tendre et de décalée, s'avère malgré tout plutôt décevant. Ce n'est pas la faute des personnages : Mireille, qui revient occuper la maison familiale de Monthermé, dans les Ardennes françaises, au bord de la Meuse, une femme complètement désabusée, qui est passée par la case prison pour trafic de drogue, qui n'a jamais réussi à oublier son amour de jeunesse, un plombier qui se faisait passer pour un poète afin de la séduire, une femme que le père Benoit, le curé du coin, va arriver à convaincre de prendre des locataires, afin de remplir son cœur, son esprit et son porte-monnaie, peu rempli par son travail comme cantinière aux Beaux-Arts de Charleville et par son trafic de cigarettes. Des locataires dans cette maison dont le jardin abrite un faux cerf, elle va en prendre 3, qui, tous les 3, vont s'avérer être de véritables "faussaires" : Cyril, étudiant aux Beaux-Arts, qui excelle dans la confection de vrais-faux tableaux de maîtres ; Bernard, un jardinier qui aime se travestir en femme ; Elvis, qui se prétend américain et chanteur de country alors qu'il est turc et sans-papiers. Ce n'est pas la faute des interprètes : rien à redire sur Yolande Moreau (Mireille), Thomas Guy (Cyril), Grégory Gadebois (Bernard), Estéban (Elvis), Sergi Lopez (l'amour de jeunesse qui réapparait) William Sheller en prêtre qui promène ses toutous en laisse le long de la Meuse et qui, en catimini, croyant être seul, joue du Abba sur l'orgue de l'église. Mais alors, qu'est-ce qui ne va pas, finalement ? Eh bien, c'est la réalisation : à vouloir rendre son film le plus poétique possible (après tout, Monthermé, Charleville, on pense forcément à Arthur Rimbaud, dont on voit d'ailleurs un poster le représentant dans la chambre de jeune fille de Mireille), Yoland Moreau a fait de cette œuvre sur la tricherie un film qui cherche laborieusement à se montrer loufoque et décalé et dans lequel, malgré quelques (trop rares) belles séquences, la platitude le dispute trop souvent à la mièvrerie.