C’est peut-être le début de quelque chose. Les Trois Mousquetaires, immortels héros de la littérature française, n’avaient pas été gâtés ces dernières décennies, entre un film américain des années 90 désormais vieillot et, plus récemment, une monstruosité bâtarde, rigolote car totalement déglinguée et débile, signée Paul W.S. Anderson en 2011. Quant au genre “de cape et d’épée”, la dernière tentative hexagonale était le remake d”Angélique” la même année, sur lequel on jettera un voile pudique d’oubli. Le problème est là : le cinéma hollywoodien est le seul à avoir les moyens de tourner quelque chose qui fasse honneur aux écrits de Dumas mais on a toujours un peu de mal à croire à ces escrimeurs à l’attitude très anglo-saxone (ça passe tout juste avec des Anglais, c’est pire avec des Américains) tout comme on a du mal à croire que le Paris des années 1600 puisse être reproduit en Italie ou en Bulgarie. Bref, pour leur propre bien à l’écran, ‘Les Trois mousquetaires’ devraient être et rester français…et là, pour une fois, c’est juste parfait. Des moyens colossaux ont été injectés dans le développement du film, dans sa direction artistique, et ma suspension d’incrédulité n’a jamais été violentée : chaque environnement semble avoir été réfléchi, ni trop sobre, ni trop tape-à-l’oeil, on a l’impression qu’il y a eu un minimum de recherche historique, sans fantaisie déplacée. les acteurs sont parfaitement adaptés à leur rôle, aucune erreur manifeste de casting n’est à déplorer, le film est rythmé autour de quelques grandes scènes épiques parfaitement cadencées, l’image est belle, la bande son a du panache, les dialogues tiennent la route...bref, sur la forme, c’est le film que les américains auraient pu faire mais sans le côté idiot et anachronique qui aurait fini par s’imposer et aurait tout gâché sur le fond. Ces Trois mousquetaires (dont c’est la première partie, la suite, sous-titrée ‘Milady’ est sortie six mois plus tard) respectent en grande partie la trame originale, si ce n’est qu’ils ont un peu atténué le caractère de d’Artagnan, qui était au fond un gros harceleur doublé d’un caillera qui surine tout ceux dont la tête ne lui revient pas. Les décors ne sont ni d’une sobriété sinistre “parce qu’on ne joue pas avec l’histoire”, ni boursouflés et trop fantaisistes pour être pris au sérieux. La langue employée, dans l’ensemble, parvient à faire d’époque, tout en ne se refusant pas quelques petites saillies plus contemporaines. Les Mousquetaires sont un peu sales quand ils ont galopé : ils ne sont ni pimpants avec la plume dressée comme le cinéma aime les représenter ni vérolés et à moitié édentés comme ils l’étaient sans doute en réalité. Cette adaptation est le film de l’équilibre, celui qui trouve miraculeusement le juste milieu dans presque toutes ses dimensions, qui s’adapte à son époque sans trahir celle d’où il vient, respecte l’oeuvre originale sans y rester piteusement collé, et qui sait aménager l’Histoire pour en tirer une bonne histoire, sans oblitérer l’une des deux au passage, et ce qui est la définition même de ce que devrait être une adaptation réussie au cinéma …et compte tenu de ce qu’on voit souvent débarquer sur les écrans, c’est beaucoup plus difficile de cocher toutes ces cases qu’il n’y paraît. Après s’être fait la main sur ‘Eiffel’, déjà un gros projet mais qui répondait plus ou moins à la même logique, Martin Bourboulon, qui a débuté avec de petites comédies bien ficelées, s’impose comme un réalisateur d’envergure. En vérité, c’est peut-être simplement qu’après toutes les versions, filmées, animées, espagnoles, japonaises, que j’ai déjà regardées, j’ai enfin vu les Trois mousquetaires’ que j’avais envie de voir…