Après l'échec cuisant de Astérix et Obélix : l'Empire du milieu et avant la mise en marche d'une nouvelle adaptation du Comte de Monte-Cristo, sur la silhouette de Pierre Niney, Pathé semble déterminé à repopulariser le divertissement grand public à coup d'emblèmes patrimoniaux, en veux-tu en voilà. La littérature a toujours été une source d'inspiration, qu'importe son format, pourvu que son aura continue de nous bercer. Alexandre Dumas est à l'honneur dans cette résurrection toute calculée, pour une énième adaptation cinématographique, après la romantique apparition de Gene Kelly, la relecture du chapitre finale avec Leonardo DiCaprio dans l'Homme au masque de fer ou encore la version steampunk de Paul W.S. Anderson. Autant dire que Martin Bourboulon (Papa ou Maman, Eiffel) a du pain sur la planche, de la première bouchée, jusqu'à la dernière miette, prévu pour ce décembre 2023.
Le premier volet de la duologie semble toutefois partir sur de bonnes bases, dans une sobriété plutôt efficace à l'ouverture, jusqu'au retentissement d'une mort, qui n'est pas destinée à son protagoniste. Le revers d'un complot se lit donc à peine, si ce n'est pour introduire une Milady, tout droit sortie d'un conte sordide de Tim Burton. Et pour cause, la fabuleuse Eva Green a été appelé pour cette raison évidente, la plaçant au premier plan, avant même que le héros du titre ne s'annonce. Les enjeux qui accompagnant la fourberie de cette femme fatale sont alors habilement exploités, dans un laps de temps précieux où l'iconisation gothique fonctionne plus que jamais. À côté de ça, le reste peut paraître assez fade, malgré de surprenants tons, qui diffèrent d'un référentiel à un autre.
Pourtant, ce mélange est loin d'être aussi homogène qu'on le prétend. Le changement de registre est constamment rendu obsolète par l'incarnation des personnages qui dépassent rarement le statut des stars qui les incarnent. La scène d'affrontements dans la forêt se révèle ainsi symptomatique de tout ce que l'œuvre nous proposera par la suite, avec un manque de lisibilité évidente et une énergie gâchée dans un élan épique et lyrique inexistant. Ce sera également le cas des trois célèbres mousquetaires, Athos (Vincent Cassel), Porthos (Pio Marmaï) et Aramis (Romain Duris), que l’on n’auscultera pour rien au monde, un sacrifice justifié par le point de vue accentué d’un jeune homme de Gascogne, D'Artagnan (François Civil), qui n'a semble-t-il pas besoin de changer de sabot pour flamboyer autour de la garde royale que dans beaux yeux de sa dulcinée, Constance (Lyna Khoudri). Il ne lui manque qu’une plume à son chapeau pour enlever cette ambiguïté, qui n’en est pas une finalement.
Seul Athos dégage une ouverture tragique, mais dont l'issue est tue par les scénaristes, Alexandre de la Patellière et Mathieu Delaporte, qui ne semblent pas trouver l'équilibre nécessaire entre l'introduction évasive et l'épisode autonome d'une fresque historique et en grande partie romanesque. La Fronde est censée succéder au massacre de la Saint-Barthélemy, mais la timidité du Cardinal de Richelieu (Eric Ruf) ne convainc pas non plus de ce tournant majeur, où l'autorité monarchique doit prendre le pas sur les intérêts religieux de la nation. Au sommet de la hiérarchie, Louis Garrel désacralise Louis XIII avec facilité, mais c’est encore la gent féminine qui séduit le plus dans ce royaume où la confiance n’est qu’une option au plus offrande. Vicky Krieps sublime la reine Anne d’Autriche, entre passion et servitude pour l’amour, ce qui est tout à faire du côté des autres tourteaux, qui ne font que se tourner autour, dans l’espoir que l’un d’eux brise le cercle.
Si le spectacle choral peut encore séduire les nouveaux venus, il serait vain de penser le contraire pour le spectateur qui prend soin de garder son regard plus affûté que les fleurets des protagonistes, employés en guise de fouet dans une entreprise qui confond encore et toujours l'hommage et la considération. En somme, Les Trois Mousquetaires : D'Artagnan dépend indubitablement du second volet pour espérer tutoyer la cohérence ou le sentiment de faire rayonner une œuvre qui ne semble pas trop se soucier de ses attributs, notamment de cape de d'épée, une parenthèse parmi tant d'autres, justifiant ainsi la confusion générale des divers tons employés. De même, nul intérêt pour les enjeux persiste pour la suite, avec ou sans scène post-générique, un enrobage tout aussi superficiel que ses concurrents outre-Atlantique, dont on aurait apprécié plus de subtilités en échange des beaux mots.