Le jeune d’Artagnan (François Civil) est fraîchement intégré au corps des Mousquetaires où il s’est fait un trio d’amis, Athos (Vincent Cassel), Porthos (Pio Marmaï) et Aramis (Romain Duris). Dès son arrivée à Paris, le fougueux Gascon est tombé follement amoureux de Constance Bonacieux (Lyda Khoudri), la lingère de la reine Anne d’Autriche (Vicky Krieps). Mais la jeune femme a été enlevée après qu’elle eut découvert l’identité d’un complot fomenté contre le roi Louis XIII (Louis Garrel). N’écoutant que son courage et son amour, D’Artagnan mettra tout en oeuvre pour retrouver sa dulcinée. Mais il trouvera sur sa route Milady (Eva Green), l’espionne du cardinal de Richelieu (Eric Ruf), qui cache un lourd secret.
Le premier volet de ces "Trois Mousquetaires" a rencontré un éclatant succès, critique et public. Il a attiré plus de trois millions de spectateurs en salles. Ses distributeurs ont fait le choix culotté de décaler la sortie de son second (deuxième ?) volet de plus de huit mois – alors que les deux volets ont été tournés en même temps et dans le désordre. On peut d’ores et déjà prendre le pari qu’il sera le blockbuster de ce mois de décembre. On pourrait aussi prendre celui qu’on le comparera souvent à "Napoléon" pour mieux critiquer la congénitale incapacité des réalisateurs anglo-saxons à raconter l’Histoire de France.
Pourtant, en sortant de l’avant-première, massivement organisée, partout en France, dimanche dernier à 18h (pourquoi organiser des avant-premières ? pourquoi les concentrer sur ce seul créneau ?), c’est la déception qui l’emporte.
La première raison en est les infidélités faites au roman. On en avait déjà relevé quelques-unes dans le premier volet. Elles sont industrielles dans le second qui ne conserve quasiment rien de l’oeuvre du Dumas. J’ai passé toute la séance à me tourner vers mon voisin, plus fin lettré que moi, et à lui demandéerd’un ton ahuri « C’était dans le livre ?! » m’attirant systématiquement la même réponse outragée : « Mais non !! ». Certes, l’histoire passe par La Rochelle – reconstituée sous les murailles de Saint-Malo – et son siège célèbre. Mais c’est à peu près le seul point d’adhérence avec le livre. Tout le reste est né de la fertile imagination des scénaristes, notamment le rôle joué par Gaston d’Orléans, frère du roi, le personnage d’Hannibal (clin d’oeil au général Dumas ? hommage au roman à succès "Prince Ebène" ? ou tribut acquitté au wokisme ?) ou enfin la supplication de deux chefs de guerre protestants tout droit inspirée de "Silence" de Scorsese.
Mais pointer les trahisons au roman me semble un exercice bien mesquin – auquel le critique se livre souvent moins pour blâmer le film qu’il recense que pour faire l’étalage cuistre de sa culture. On me dira certes que ces "Trois Mousquetaires" s’annonce comme l’adaptation d’un roman dont on est en droit d’exiger qu’elle lui soit fidèle. Pour autant, la fidélité n’est pas une fin en soi – ni à un livre ni même, oserais-je ajouter, à une vie historique comme celle de Napoléon au sujet duquel la polémique a fait rage. Ce qui importe me semble-t-il, c’est la cohérence du film. Quelques pas de côté ne me choquent pas, s’ils servent le film.
Or, rien ne marche dans ce second volet. Les scènes d’action, filmées au ras du sabot des chevaux ou avec un drone en plan aérien, s’y succèdent à un rythme effréné. Tout au plus sont-elles interrompues par quelques séquences où l’on voit François Civil, le regard dans le vide, essayer de comprendre où il en est, le spectateur avec lui, et savoir qui trahit qui. Ces scènes d’action sont filmées, comme un jeu vidéo, avec une caméra épileptique qui s’agite dans tous les sens. Le procédé, immersif, plonge certes le spectateur au cœur de l’action ; mais il a surtout comme résultat de lui donner la nausée et un violent mal de tête.
On fait grand cas de l’interprétation d’Eva Green. C’est une excellente actrice. Peut-être la plus grande James Bond girl qui ait jamais été. Mais hélas, la mise en scène ne lui rend pas justice. Au lieu de jouer sur son charme diabolique, elle la transforme en ninja rebondissant qui livre avec D’Artagnan dans une écurie enflammée un duel guère crédible.
Un dernier mot sur les suites de ce film. Ceux qui ont lu le roman de Dumas et s’en souviennent savent comment se termine "Les Trois Mousquetaires". Par respect pour les autres, je ne peux le révéler. La fin de ce second volet s’en écarte, laissant en augurer un troisième. Pour autant, les producteurs ont dit qu’il n’aurait pas de suite, sinon une éventuelle adaptation de "Vingt Ans après" et du "Vicomte de Bragelonne". C’est à n’y plus rien comprendre….