Après "La Nuée", le Déluge...
C'est peu dire que l'on avait hâte de retrouver Just Philippot à la tête d'un nouveau long-métrage tant son premier coup d'essai avait fait office d'une bonne surprise à l'ambiance très prometteuse au sein du cinéma de genre hexagonal. Surtout en adaptant ici son court-métrage éponyme, avec un "fléau" de plus grande ampleur et encore plus frontalement lié au drame intime vécu par ses protagonistes principaux.
Tel un châtiment divin pour une humanité courant à sa propre perte, le ciel se met un beau jour à déverser des pluies méchamment acides sur la population mondiale et offre donc tout son titre et sa vitrine de film éco-catastrophe à ce "Acide". Toutefois, avant que les eaux célestes ne viennent dévorer notre peau bien tendre, c'est avant tout aux liens eux-mêmes déjà très désagrégés d'une famille que le film choisit de nous introduire. Et, plus particulièrement, par l'entremise de Michal (Guillaume Canet), un père ayant été emporté si loin par le tourbillon de la violence sociale que son propre socle familial n'y a pas survécu. Choisissant égoïstement la fuite vers une nouvelle vie (et un nouvel amour), Michal n'entretient plus que le minimum relationnel avec ceux qui furent ses proches, à commencer par sa fille poursuivie par l'image de ce père qui ne la met plus au centre de ses priorités.
Vous l'avez la bonne grosse symbolique de la pluie acide qui dissout la chair humaine pendant que ses héros doivent au contraire rassembler les miettes de leurs liens fragiles pour espérer un sort meilleur à tous les niveaux ? Eh bien, voilà en gros le discours de "Acide" qui, au contraire d'un bien plus subtil et réussi "La Nuée" en termes de rapports parent/enfant plongés en plein chaos, va offrir un programme étonnamment attendu -quasiment didacticiel- d'épreuves pour essayer de réconcilier père et fille sous des averses ravageuses.
En effet, dans le sillage métaphorique explicite de l'ensemble, chaque phase censée traduire un peu plus les dysfonctionnements de cette famille sous acide (huhu !) va continuellement se heurter à des contours symboliques beaucoup trop grossiers pour convaincre ou même émouvoir. Certes, Just Philippot y trouvera toujours le moyen d'y dessiner des temps forts par sa mise en scène (des regards échangés lors d'une pause nocturne, des personnages emportés par le désordre ambiant au même titre que leurs états d'âme lors d'une dangereuse traversée) mais, à l'image d'une rencontre bien pratique d'un miroir familial renvoyant aux défaillances de ses héros, les prétextes trouvés auront sans cesse quelque de chose de trop artificiel et prévisible pour espérer apporter une substance mémorable à l'évolution de cette relation.
Et puis, malgré une entrée en matière plutôt anxiogène, il faut bien reconnaître que l'ambiance de film catastrophe trouve également vite ses limites en termes de crédibilité face à un phénomène au fonctionnement complètement aléatoire (on peut semble-t-il rouler durant des heures sans que des pneus de voiture ne soient rongés par la pluie acide alors qu'un fleuve peut être transformé en court-bouillon pour humains en l'espace d'une nuit !) et au personnage de Selma, adolescente aux réactions parfois si risibles qu'on aimerait la jeter nous-mêmes dans une cuve d'acide (l'interprétation de Patience Munchenbach n'est nullement en cause, il y a juste un vrai problème d'écriture autour de son rôle).
Ainsi, en dépit de quelques bons moments où l'on ne peut prendre Just Philippot en défaut, notamment une scène finale qui vient joliment répondre à celle qui nous avait introduit à cette dynamique père/fille en difficulté, "Acide" fait figure de petite déception un brin ennuyeuse devant les espoirs qu'avaient pu engendrer les qualités autrement plus importantes de "La Nuée". Les sauterelles l'auront au final emporté sur le Déluge.