Pour Frot et Luchini
Après le pitoyable 16 ans ou presque, puis l’honorable Docteur ?, Tristan Séguéla nous propose une autre comédie douce amère avec un casting de choix, car ces 90 minutes sont avant tout un cadeau pour les acteurs et les actrices. Alors que Jean, maire très conservateur d'une petite ville du Nord, est en campagne pour sa réélection, Edith, sa femme depuis quarante ans, lui annonce une nouvelle qu’elle ne peut plus taire… Au plus profond de son être, elle est - et a toujours été - un homme. Jean pense d’abord à une plaisanterie mais réalise rapidement qu’Edith est sérieuse et déterminée à mener sa transition jusqu’au bout. Il comprend alors que son couple, mais aussi sa campagne électorale, risquent d’être sacrément chamboulés… Un sujet de société délicat et brûlant traité avec suffisamment de subtilité pour qu’on y croit… presque.
D’abord, on peut regretter que la bande-annonce nous en dise trop sur les tenants et les aboutissants de cette histoire, à savoir que « l’homme heureux » en question est une femme. Cette réserve faite, on passe un très joli moment qui fait oublier les invraisemblances du scénario. Pourtant, des précautions ont été prises, comme pour les participants du groupe de parole qui sont tous interprétés par des personnes transgenres ou non binaires. Ou encore, le soin tout particulier apporté au maquillage d’Edith/Eddy pour qu’il ne soit pas outrancier et tourne au déguisement. Mais, en fin de compte, c’est du boulevard de qualité qui ose le sourire sur un sujet souvent abordé par le prisme du drame. Alors, on s’amuse, sans honte ni arrière-pensée, devant un film sympa qui est un feu d’artifice pour les comédiens et les comédiennes.
Fabrice Luchini est un monument de finesse, d’intelligence, de folie douce et de drôlerie. Une drôlerie, qui ne connaît pas la vulgarité. Et là, c’était indispensable pour que le film ne dérape pas. Quant à Catherine Frot, c’est une immense actrice qui sait incarner les personnages les plus inattendus, el l’occurrence, c’est un must. Ce duo – pour la 1ère fois réuni à l’écran -, qui fonctionne à merveille, est fort bien accompagné par Philippe Katerine et Artus. On ajoutera volontiers les noms de Grégoire Bonnet, Camille Le Gall, Agnès Hurstel, Paul Mirabel, Bastien Ughetto et Thomas VDB. Les points forts : dialogues ciselés, abattage des deux vedettes avoir su éviter la caricature. Un gros point faible : une psychologie effleurée et elliptique, voire maladroite dans la description de la fameuse transition. Reste une comédie qui tourne à la nécessaire leçon de tolérance. Pas inutile.