C'est sur que, pour faire une comédie sur le sujet de la transidentité, il faut en vouloir et travailler son scénario pour ne pas se ramasser sur les nombreux écueils que comporte ce sujet mineur de société surexploité au cinéma.
Tristan Séguéla évite les écueils mais ne va jamais vraiment à la rencontre de ce quoi il parle. La transidentité est la surface, et on se rend compte très vite qu'en dessous, ce n'est qu'un petit vaudeville sans prétention ni aucun renouvellement. Et c'est ça, le manque de renouvellement, la trame et les situations usées jusqu'à la corde qui font que ce film devient d'une grande médiocrité due à sa banalité. Les quiproquos on connaît, l'anar de droite transphobe et conservateur on connaît, le bon pote gay sans aucune substance on connaît. Bref, tout est recyclé et l'ensemble de ce qui a fait les bonnes heures de la comédie française pendant un certain temps devient assez handicapant pour un sujet aussi actuel.
Certes, il y a de bons gags par moments, le paysage rural n'est pas désagréable à regarder, quelques moments sont assez drôles et d'autres émouvants, mais le comique s'épuise vite, étouffé par la bien pensance, le besoin de "ne pas se mouiller" et de "ne fâcher personne".
Le propos politique et éthique du film est extrêmement déroutant. On veut nous faire passer un message, mais lequel ? Tantôt le personnage d'Edith/Eddy est inconstant et sénile, comme pris dans un délire du à la pression ou Dieu sait quel facteur, tantôt il fait office de figure tragique du film, symbole de la renaissance identitaire malmenée dans une France droitisée et conservatrice. Tantôt le personnage de Jean est un homme sans âme, complètement obnubilé par sa mairie et sa campagne et se fichant de sa femme, exemple en est de la première scène ou le couple se retrouve, au café, et où Jean ne parle que des mariages qu'il a annoncé dans la matinée, comme ne pensant qu'à sa fonction d'élu et ayant oublié qu'il était marié lui aussi, qu'il avait une femme, il passe comme quelqu'un d'immoral, de presque inhumain, tantôt il devient un homme progressiste, qui aime sa femme, qui dit qu'il "laisserait tomer sa campagne pour elle (ou pour lui, bref). Le personnage est très ambigu, et, si on veut être lucide, très mal écrit. L'adjoint du maire est odieux dans un premier temps puis se transforme sans aucune raison en soutien de la cause trans. Le film se moque des personnes transsexuels dans une scène, et dans celle d'après, il les fait passer en victimes mal-aimées ! En résumé, le message (s'il y en a un, je suis optimiste) et complètement incohérent et confus.
Les acteurs aussi livrent une performance à la limite du correct. Catherine Frot a un jeu robotique, sans émotion (et si c'est fait exprès, il ne correspond pas au personnage). Fabrice Luchini qui oscille entre bienveillance et hystérie et bienveillance, sans aucune médiane ni raison (peut-être aussi suis-je dérouté par le fait qu'il s'est mué ces derniers mois en personnage fantasque et fanatique de la langue française, habité d'un burlesque qui fait transformer ce qu'il dit en spectacle, si bien qu'on ne s'entiche plus du fond, mais de la forme). Les seconds rôles sont anecdotiques, pas creusés pour un sou.
En bref, c'est encore une comédie française de plus qui ne renouvelle pas le genre, qui s'alourdit de clichés et de thèmes usés. On espérait du nouveau, mais on nous ressert encore et encore la même chose. On aimerait bien un nouvel élan, un film ambitieux, qui fonce dans le tas sas se soucier de savoir si son propos pourra passer à 21h sur TF1 l'année suivante. Ce n'est même plus drôle tellement c'est prévisible. L'humour ne fait pas mouche, et les visages des spectateurs ne se couvrent que d'un maigre sourire. Ce n'est même plus un film gentillet, c'est médiocre, et on a, encore une fois, la sensation d'avoir perdu son temps.
A partir de 10 ans
07/20