Une bande originale, des décors, un casting et des jeux d’acteur très réussis suffisent à susciter une impression de bien-être à la sortie de la séance mais rapidement le sentiment d’insatisfaction résonne car la mièvrerie du scénario et le degré minimal de l’analyse psychologique l’emportent. Dans ce film, quand on perd, on perd tout : la danse classique, l’amour, et un peu de famille (sauf, peut-être, l’amitié mais ce fil n’est pas tiré). Et quand Elise, le personnage principal, gagne, elle gagne tout en même temps : la danse contemporaine, l’amour et, cerise sur le gâteau pour un vrai happy end, la chaleur d’un père. La vie n’est pas ainsi. S’agirait-il alors d’une sorte de fable, d’un conte ? En effet, les opportunités que rencontre Elise n’ont rien de réel : dans la vraie vie, on est déjà difficilement danseur dans une « compagnie » de classique, difficilement pris, sans audition, dans une compagnie de danse contemporaine qui passait – beau hasard – par là où on se trouve. Dans la vraie vie, danser avec une cheville fragile n’est pas plus possible en contemporain qu’en classique. Dans la vraie vie, les danseurs n’ont pas un bel appartement avec balcon qui donne sur les toits parisiens. Dans la vraie vie, des lieux magiques en tous points comme la résidence d’artistes tenue par le personnage de Muriel Robin – excellente par ailleurs – n’existent que dans les rêves. Oui mais dans un conte, le fil narratif, stylisé, est tendu vers une morale précise, rien de secondaire ne vient perdre la trajectoire vers la quête. Dans En Corps, l’entrelacement des thèmes danse / amour / famille qui dilue les actions dans une intrigue assez flasque tente de compenser la légèreté du traitement de chacun de ces trois thèmes plutôt que de nouer les fils d’une pelote dramatique tendus vers la morale. Et quelle morale ? Celle explicitée à la fin (au cas où on n’aurait pas compris) et consistant à enjoindre les jeunes spectateurs (les propos étant soulignés à l’excès, on ne peut penser que Klapisch a compté sur la coopération cérébrale du public) à
profiter de chaque vie que la vie propose
. Mais les événements peu réalistes dans un contexte réaliste et un personnage principal aux dialogues particulièrement inconsistants ou au contraire lourds de poncifs (sur la différence danse classique / contemporaine en particulier) qui ont usé nos oreilles, créent une mise à distance rendant la morale, mal illustrée, inopérante. On sort de ce film frustré, et agacé de s’être laissé passagèrement avoir par la ficelle qui consiste à ne pas tout dire de personnages secondaires hauts en couleurs qu’on rend séduisants par une complexité sous-entendue mais jamais explorée et qui laisse croire de façon artificielle que le film pourrait être plus riche qu’il ne l’est. Finalement, En corps serait au cinéma ce que la malbouffe est à l’alimentation : on sort satisfait comme après avoir mangé un burger bien industriel dont la composante en sucres réconforte sur le coup mais rapidement tout disparait : et la sensation de satiété et la valeur nutritive du produit.