En dehors de ses classiques que l’on ne cite plus, Cédric Klapisch, c’est également la force des sentiments à travers un vignoble dans « Ce qui nous lie » et un portrait moderne de Paris avec « Deux moi ». Il continue de sonder ce qui enrichit le langage corporel, cette fois-ci à travers la danse. Ce qu’il a pu capter à l’Opéra de Paris, notamment avec son documentaire « Aurélie Dupont, l’espace d’un instant », il en vient à en faire un sujet de fiction à part entière, centré sur la reconstruction d’une danseuse de ballet, qui se reconvertit peu à peu dans un autre registre. Le récit dressera constamment des ponts entre deux mondes, qu’il convient de consolider, à la force du mouvement, générée par l’âme et le corps même des interprètes.
L’ouverture fascine et sans perdre de temps, des coulisses à la scène, de la réalité et spectacle, Klapisch nous convie dans un élan maîtrisé et somptueux, à la présentation des enjeux à venir pour l’étoile de l’Opéra. Sa chute est aussi physique que sentimental, un éventail de symbolisme qui prend le geste tel qu’il est pour introduit une entorse aux règles élitiques de la danse classique. Et soudain, un générique punk-rock vient investir ce lac des signes, en décalage avec leur environnement et en pleine errance dans un moment de flottement. C’est le coup de fouet nécessaire pour enfin visualiser la portée d’une intrigue qui ne joue pas dans l’originalité. Hélas, cette sensation s’estompe assez rapidement, lorsque l’on revient conclure la scène d’exposition. Élise (Marion Barbeau) ne sera donc plus la seule à boiter, car la narration va suivre cette même dynamique, même au-delà de sa guérison partielle. Il y avait déjà ce genre de limites, que l’on pouvait distinguer dans ces premiers films, car la recette ne prend plus aujourd’hui.
Si le cinéaste semble satisfait du plaisir qu’il a de capter les corps en osmose, ce sera au prix d’une grande subtilité. Ce qui faisait de lui un grand narrateur, c’est avant tout parce qu’il est sensible et il parvient souvent à projeter cela à l’écran, mais pas cette fois, pas avec toute l’amplitude qu’il aurait souhaitée. Ce qui est assez fâcheux, sachant que Marion Barbeau finit par convaincre et porter à elle seule cette intrigue cousue de fils blancs. Et si cela ne manquait pas d’être surligné à chaque étape, ce sera souvent le verbe qui aura raison du non-dit, du langage du corps et de la danse, afin de transcender la douleur d’une martyre. Cela ne donc ni justice au parcours de la jeune danseuse, ni à l’investissement du compositeur et chorégraphe Hofesh Shechter. Nous passons plus de temps à côté du sujet, là où l’on croit pouvoir tenir une galerie de personnages secondaires, prêts à tirer Élise vers le haut. La réconciliation avec le père (Denis Podalydès), le souvenir d’une mère, les conseils de Josiane (Muriel Robin), un potentiel compagnon gay, le renouveau artistique illustré par la cuisine de Loïc (Pio Marmaï) et une sous-intrigue maladroitement, voire inutilement inspirée par le kinésithérapeute Yann (François Civil).
C’est une bien belle troupe qui mérite une meilleure cohérence, mais surtout un aboutissement plus intuitif, au lieu d’ôter toute cette réflexion au spectateur, qui n’a plus que l’image à se mettre sous la dent. « En Corps » ne manque pas d’éléments attachants et nous attrape quelques sourires au passage, mais jamais il ne nous laisse pleinement vivre le succès d’une héroïne, qui parvient à se défaire de ses démons. Le spectacle final tranche évidemment avec le ballet d’ouverture, mais atteint rarement le même panache dans sa mise en scène. Les palpitations se feront attendre, tout comme le sensationnel, qui restera de l’ordre du privilège.