Avec Phone Game, il collabore pour la seconde fois avec cette étoile montante qu’est Colin Farrell, lui ayant déjà offert un rôle en or dans son excellent Tigerland. Le jeune comédien d’origine irlandaise a vite fait de s’imposer , notamment à travers quelques personnages charismatiques interprétés aux côtés de Bruce Willis dans Mission Evasion, de Tom Cruise dans Minority Report et plus récemment de Ben Affleck dans Daredevil. Colin Farrell se trouve désormais à la place convoitée du jeune premier avec lequel il faudra compter.
Dans la nouvelle mise en scène de Joel Schumacher, il démontre une fois encore l’étendue de son talent. Enfermé dans une cabine de téléphone pendant près de quatre-vingts minutes, il interprète un attaché de presse ambitieux, cynique et manipulateur pris au piège que lui a tendu un psychopathe aux desseins obscurs. Dans la peau de Stewart Shepard, il est un homme de communication roublard et malhonnête, bien loin de penser que le coup de fil quotidien qu’il s’apprêtait à donner allait placer sa tortueuse existence entre les mains d’un maniaque. Car à l’autre bout du fil, une voix inquiétante lui intimera l’ordre de ne pas raccrocher le combiné, ni de quitter la cabine téléphonique dans laquelle il se trouve. Le maniaque l’a en effet pris pour cible. S’il interrompt la communication, il est mort. Le tueur potentiel aura d’ailleurs vite fait de prouver le sérieux de ses propos et la noirceur de ses intentions.
En filmant Phone Game, Joel Schumacher avait conscience de la difficulté de la tâche. Le budget limité du film lui imposait un tournage réduit à sa plus simple expression (un peu moins de deux semaines, un record en la matière !), tandis que l’unité de lieu (avec pour seul décor une cabine de téléphone en plein centre-ville) ne lui laissait d’autre choix que de chercher à obtenir un huis-clos étouffant. Malgré ces contraintes, le cinéaste est parvenu à ses fins, en élaborant un produit qui tient la route, et qui s’appuie sur de sérieux atouts pour ce faire.
L’interprétation de Colin Farrell y est d’ailleurs pour quelque chose. Car pendant le déroulement de l’intrigue, toute l’attention de l’auditoire est mobilisée sur son personnage. Stewart Shepard bafouille au téléphone, il est arrogant, s’emporte parfois et s’emmêle les pédales pendant que les médias filment le lieu du drame et que la police tente d’appréhender le pourquoi du comment. Portant littéralement le film sur ses épaules, Colin Farrell évolue continuellement sur le fil du rasoir, faisant de son personnage un jouet entre les mains d’un interlocuteur à la voix tour à tour sirupeuse, mielleuse, tranchante et hystérique. Alors que Stewart Shepard passe par tous les stades de l’émotion, l’étau se referme autour de lui. La voix doucereuse se fait plus pressante, et l’attaché de presse comprend qu’il est seul, seul avec sa conscience ou son semblant de conscience. Personne ne peut l’aider, il est seul à pouvoir tenter d’infléchir la sinistre volonté de son mystérieux interlocuteur. Le problème majeur réside dans le fait qu’il ne sait absolument pas où veut en venir l’illuminé qui le tient au bout de son fusil à lunette. Il s’efforce de négocier au mieux ses réponses à des questions aussi banales qu’à double tranchant, sans pour autant parvenir à déterminer quel est le fil conducteur de la situation. Ce n’est qu’à la fin que celui-ci pourra se révéler, porteur d’un séduisant malaise, malaise que l’on pourrait être tenté de rapprocher de celui ressenti dans les dernières images du méconnu Emprise, une bonne surprise signée du comédien Bill Paxton il y a deux ans.
Le malaise a bien souvent fait partie des films mis en scène par Joel Schumacher. Déjà à l’époque de Génération perdue et de L’expérience interdite (respectivement il y a seize et treize ans), le réalisateur avait fait se lever quelques sourcils interloqués. Un peu plus tard, les mêmes sourcil étaient devenus franchement réprobateurs, notamment dans son traitement du héros mythique Batman et dans les très controversés Chute Libre et 8 mm.
Dans Phone Game, d’aucuns pourront ressentir un malaise similaire, malaise renforcé par un épilogue qui donne un éclairage ambigu à la menace que représentait le tireur embusqué. Que cette facette de l’histoire ne rebute pas les spectateurs, car la technique est bien là. Elle aura ainsi permis à Joel Schumacher de s’entourer du même directeur de la photographie que dans Tigerland, tout en prenant soin de sélectionner judicieusement des dialogues pris dans le vif.
A cet égard, il convient de saluer la qualité de la voix française, qui remplit sa mission aussi bien (et peut-être même mieux) que celle de Kiefer Sutherland. Ce détail a son importance, car en dehors de la qualité de l’interprétation (Colin Farrell et Forest Whitaker en tête) et de la photographie, le film repose aussi sur une grande inconnue, une voix sirupeuse qui joue de ses inflexions, charmante au point d’en devenir hypnotique. En minimisant cet élément, le réalisa