X est un film d’horreur réalisé par Ti West, sorti en mars 2022 aux Etats-Unis et début septembre en France. Ce décalage de sorties salles, couplé à la disponibilité du film sur des plateformes de streaming plus ou moins légales, risque malheureusement de jouer en sa défaveur lors de la révélation du box-office.
Pour ma part, j’ai découvert le film sur prime video, car oui, il est disponible sur la plateforme en Angleterre !
Ce film, montrant la descente aux enfers d’une équipe de tournage d’un film pornographique dans une ferme perdue appartenant à des vieux pas très commodes, voire carrément mabouls dans les Etats-Unis des années 1970, faisait beaucoup parler de lui dans les forums cinéphiles, cela notamment boosté par le succès surprise du métrage aux USA.
C’est donc avec beaucoup d’attentes que j’ai commencé à visionner X.
Autant être clair, avant d’avoir eu les yeux rivés sur mon écran pendant 1h45, je m’attendais à un slasher à grosses ficelles, bien gore et très sulfureux, voire carrément érotique.
Et quelle ne fut pas mon agréable surprise quand je me suis rendu compte que ce film était bien plus que ça, notamment dans les différents genres cinématographiques qu’il aborde. En effet, tout au long du métrage, on oscille entre la parodie de film d’horreur et le film d’épouvante pur, la caricature de la série Z et le plaisir de se vautrer par moments dans ce sous-genre horrifique, le drame sombre, tumultueux et la comédie noire et bien tordue, la douce sensualité et l’érotisme brut. Tout ce magma de genres et de sous-genres totalement différents, éloignés les uns des autres, forme un tout, une œuvre.
Mais ce mélange des genres n’est pas tout, encore faut-il l’organiser, et le réalisateur y arrive très bien, nous fabrique des scènes étranges, à la limite de l’incompréhensible, où les éléments, que ce soient la musique, le cadrage, le jeu des acteurs… ne coïncident pas. Le spectateur est sans cesse en train de se poser des questions : faut-il rire, être effrayé, excité, dégoûté, fasciné ? Une scène sexuelle déroutante et dérangeante, vers le milieu du film, est sans doute le meilleur exemple de cette déroute dans le cerveau de celui ou de celle qui visionnera X.
La qualité (ou le défaut, tout est subjectif) évoquée ci-dessus en est une parmi d’autres dans le métrage. Effectivement, le film possède des qualités techniques, plus précisément de mise en scène, indéniables. Il s’ouvre sur un plan long, où les portes d’une ferme, qu’on peut qualifier à juste titre de ferme de l’horreur, tel le titre d’un film de série Z, s’ouvrent tranquillement, d’elles-mêmes. Ce plan est suivi d’un zoom presque imperceptible, ce qui fait que le spectateur est invité dans le film, presque comme si le public était un témoin actif, impuissant, des événements horribles qui vont se dérouler par la suite dans ce lieu.
Ensuite, le cadrage est d’une justesse dingue, où les gros plans, plans moyens et plans d’ensemble sont alignés avec une précision folle. On ne sait pas comment l’expliquer, mais tout est fait, imperceptiblement, pour nous mettre mal à l’aise.
Dans un bon film, il n’y a pas que les qualités techniques, ces-dernières donc indéniables dans celui-ci. Il y a aussi les acteurs. On ne peut pas hausser le métrage au rang de « film d’acteurs », le film entier ne repose pas sur eux, mais leurs prestations sont d’une justesse incroyable. Tous les acteurs du film m’étaient inconnus, à part l’étonnante Jenna Ortega et l’incroyable Mia Goth, et je peux dire que je n’ai pas été déçu par la qualité du casting. Je voudrais tout de même m’attarder sur ces deux actrices qui m’étaient déjà connues, qui ici m’ont fascinées : Mia Goth, que j’avais vue dans High Life et Suspiria, m’a hypnotisée par sa présence, son jeu dans ce double rôle. Elle transmet des émotions, voire plus, des sensations, que jamais je n’avais ressenti auparavant. Jamais je n’ai vu une actrice, de tout âge et expérience confondus, avoir une palette de jeu aussi vaste. Elle exploite tout de son gigantesque potentiel dans film. J’ai tellement hâte de la voir dans le préquel « Pearl », mais surtout dans d’autres genres cinématographiques ! De l’autre côté, la jeune Jenna Ortega (née en 2002), éblouit. Une prestation toute en nuance, presque minimaliste (à part quand elle crie (très, très fort)), qui pour une jeune actrice est assez incroyable.
Il me tenait à cœur de mentionner les clins d’œil et hommages au cinéma X des années 70-80, hommage appuyé par de nombreuses scènes qui nous font entrer dans le film pornographique que l’équipe est en train de tourner. Dans ces extraits, le format est modifié, et les acteurs s’amusent à jouer mal, à caricaturer les comédiens de ces films à petit budget.
De plus, j’ai remarqué que chaque personnage féminin était la symbolique d’un état d’esprit, d’un caractère. Maxine (Mia Goth) symbolise l’ambition, la volonté d’avancer, de devenir une star. Son personnage répète d’ailleurs de multiples fois ce souhait au long du film. Lorraine (Jenna Ortega) représente la jeune fille ingénue, innocente, la sensualité aussi ; mais là est l’intelligence du scénariste est réalisateur Ti West, qui va faire tomber le voile, révéler la vraie nature du personnage, il en fait une jeune fille qui sait ce qu’elle veut, et qui se rapproche curieusement du personnage de Maxine. Bobby-Lynne (Brittany Show) évoque le contraire de Maxine, l’indifférence, le manque d’ambition, mais aussi l’arrogance. Elle est aussi d’un érotisme brut et vulgaire, à l’opposé de Lorraine. Finalement, ce personnage l’inverse des deux principaux protagonistes féminins. Enfin, Pearl (Mia Goth encore), représente surtout la folie, mais aussi la nostalgie, la déchéance et la décrépitude, le regret d’avoir visé trop haut pour au final n’arriver à rien. Elle exprime la façon dont l’amertume, la déception, pousse à la déraison, à la démence, à faire des choses horribles, inconcevables.
Après avoir détaillé ces qualités de mise en scène, d’interprétation et de symbolisme, je voudrais poursuivre en évoquant les petits défauts du métrage.
Le film ne fait jamais vraiment peur, les quelques jumpscares et effusions gores ne suffisent pas à instaurer un climat glacial, une ambiance. Il y a certes de la recherche dans les situations horrifiques et le long-métrage est d’une originalité sans bornes, mais le vrai problème du film est bien son ambiance, quasi-inexistante, qui n’est pas terrorisante. Un film d’horreur doit se reposer sur son atmosphère, et ensuite y apposer des scènes chocs. Ce film dépourvu de support horrifique peine donc à donner des frissons.
Pour conclure, je tenais à expliquer que ce défaut ne m’a pas du tout dérangé car j’ai vécu d’emblée X comme une pure expérience cinématographique, un plaisir cinéphile, un bonbon dans un environnement horrifique gangrené par les films d’épouvantes vides, marchant toujours sur le même twist et dépourvus de toute originalité, démunis de toute recherche, dépouillés de leur sujet débile par des jumpscares à foison, des dialogues insipides et creux, des personnages tous semblables d’un film à l’autre et ridiculement incarnés. Ce film est d’une extravagance, d’une fantaisie et d’une liberté folles, pas forcément effrayant mais sacrément bien foutu. Un souffle de bonheur pour ceux qui aiment le cinéma de genre, délicatement horrifique, bien gore, assez excitant et diablement original !
Je conseille ce film à partir de 16 ans (gore, drogue, sexe)
16/20