Quand bien même on ne retiendra pas son nom pour son remake de « Le Jour où la Terre s'arrêta », Scott Derrickson revient à ses amours et donc à ses horreurs les plus fascinantes. Plus question de rempiler chez Marvel, il n’est pas près de renoncer à sa liberté d’expression, lui qui nous a amené tant de frissons avec « Sinister », une œuvre imparfaite, mais dotée d’une aura suffisamment ténébreuse pour que l’on se laisse hanter par le climax. Ainsi, le cinéaste trouve l’occasion de se replonger dans des réalisations plus modestes, comme l’ont été « L'Exorcisme d'Emily Rose » et « Délivre-nous du mal ». Un détour par son enfance n’est donc pas surprenant, sachant qu’il finira par croiser ses traumatismes avec des personnages tout bonnement Kingien dans l’âme.
Adapté d’une nouvelle de Joe Hill, le fiston de Stephen King, le récit prend place dans les années 70, dans une ville reculée de Colorado, qui fait face à l’horreur et à une confusion qui dépassent ses habitants. La menace pouvait aussi bien venir de l’extérieur que dans son foyer, où les violences parentales se multipliaient. Il en va ainsi du portrait d’une Amérique qui court après des masques, insaisissables pour la simple raison que chacun vivait dans un désert de solitude. C’est à ce moment que le Grabber (Ethan Hawke) attrape ses proies et pourquoi pas le spectateur par la même occasion. C’est en tout cas ce qui arrivera au jeune Finney Shaw (Mason Thames), un adolescent sans histoire, si ce n’est son attachement pour sa sœur cadette, Gwen (Madeleine McGraw), car ils parviennent à réaliser l’impensable dans le même mouvement, à savoir un élan de solidarité.
Derrickson vient alors questionner et surtout nuancer un contrôle parental toxique, venant d’un père alcoolique (Jeremy Davies), qui n’affiche pas la caricature grotesque comme on en voit trop dans les carcans hollywoodiens. Il est toujours possible de se renouveler chez Blumhouse, le réalisateur préfère avant tout s’y resourcer, le temps d’un teen-horror bien senti, malgré le manque de subtilité dans un scénario assez laborieux investir. Il fait ainsi le choix d’abandonner un présumé huis-clos pour faire évoluer deux axes narratifs, qui se répondent intelligemment à certains moments, notamment lorsque cela concerne des visions cauchemardesques de Gwen, qui cherche à tout prix à sauver son frère. Leur connexion est assez forte pour que l’on n’oublie pas l’enquête qui plane derrière les kidnappings. Mais en attendant, Finney est livré à lui-même, ou presque, avec un téléphone dysfonctionnel qui trône dans la même cave où des victimes l’ont précédé. Un jeu de suggestion génère ainsi toute la tension qu’il faut, avec Hawke dans le manteau d’un monstre immobile sur une chaise, attendant patiemment son vis-à-vis, un fouet à la main.
Il est le gardien d’un secret qu’il ne le redoute pas, où ses anciennes proies finissent par initier Finney à leur désir de vengeance, là où ce dernier cherche avant tout à se dépasser par le courage, celui de se défaire du harcèlement subi dans le cadre scolaire ou celui d’un père un peu trop présent pour lui rappeler sa suprématie. « The Black Phone » est-il pourtant téléphoné ? Bien entendu, mais sa force réside dans cet aspect anti-spectaculaire, qui attrape la malveillance, de l’exposer avec le plus d’arguments pertinents possibles. Si cela peut d’abord nuire au manque d’originalité de l’intrigue, ce n’est qu’à l’arrivée que l’on se surprend à apprécier l’autopsie du boogeyman à travers des yeux d’enfants.