Avec Cédric Jimenez, Jean-François Richet ou il y a fort longtemps Luc Besson, Jérôme Salle est l’un des cinéastes français les plus à l’aise dans les productions à grand spectacle (et grande échelle) made in France. On lui doit par exemple les deux « Largo Winch », l’impeccable thriller sud-africain « Zulu » et le film qui l’a fait découvrir « Anthony Zimmer ». Son dernier long-métrage ne déroge pas à la règle puisqu’il nous emmène en Russie pour un suspense paranoïaque digne des grands films américains du genre des années 80 et 90 tels que « Les Trois jours du Condor » ou « Ennemi d’état ». En effet, on y parle de la thématique passionnante des Kompromat, outil d’espionnage russe consistant à créer de faux documents de toutes pièces pour permettre des arrestations ou des incarcérations arbitraires, la plupart du temps concernant des ennemis de l’État. Un piège administratif qui est encore usité aujourd’hui, et encore plus depuis les récents événements belliqueux entre la Russie et l’Ukraine. De plus, ce « Kompromat » est très librement inspiré de faits réels mais les fondations du scénario sont véridiques.
On suit donc Gilles Lellouche, parfait en quidam victime d’une machination, tenter de s’échapper de Russie et de comprendre les raisons de cette affaire. Et on peut dire que Salle a non seulement le sens du rythme, car on ne s’ennuie pas une seule seconde sur les plus de deux heures que dure le film, mais qu’il gère aussi parfaitement le suspense et la dramaturgie d’une main de maître. On se demande vraiment pourquoi les services secrets russes lui en veulent autant même si on a quelques indices habilement distillés alors que les révélations se font de manière mesurée, au compte-gouttes. Ensuite, le contexte russe de la plus grande ville de Sibérie, Irkoutsk, donne un cachet glacial et isolé plutôt singulier à « Kompromat » et c’est indéniablement dépaysant. Les scènes de cavale sont haletantes et prenantes, la mise en scène est nerveuse et on craint pour le personnage principal. Bref, tout cela sentait le thriller magistral et plutôt unique pour le cinéma tricolore (même si récemment on a eu le plutôt bon « Boîte noire » dans le genre) si malheureusement il n’y avait pas un gros mais...
En effet, il est impossible de ne pas relever minimum une ou deux énormités dans le script et la manière dont il est mis en pratique. Et de notre côté on en a noté une demi-douzaine... Et de sacrifier le réalisme sur l’autel du spectaculaire et surtout de la facilité joue totalement contre le film et sa crédibilité. Pour faire simple, à plusieurs reprises « Kompromat » se pare d’incohérences, d’invraisemblances et de raccourcis d’écriture dans son scénario que même le plus indulgent des spectateurs ne pourrait laisser passer. Passons encore l’histoire du téléphone cellulaire oublié ou les atermoiements aux motivations quelque peu abstraites de l’Ambassade française, mais le summum est la scène du coffre de voiture. On y voit le personnage de Lellouche se mettre dans le coffre de ladite voiture en plein contrôle routier au nez et à la barbe des policiers, des autres véhicules et du conducteur qui l’a pris en stop (un prêtre contre le gouvernement certes, mais quand même). Personne ne voit rien ou n’y trouve rien à redire! Déjà qu’une énormité comme celle-là est néfaste sur le versant du réalisme pour un film alors quand il y en a plusieurs... Un film captivant pourtant et dont les contours diplomatiques sont passionnants mais qui se tire une balle dans le pied avec ces séquences trop énormes pour être crédibles : dommage.
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