L’évidence n’est pas toujours la plus saine ni la plus rusée des cheminements vers la vérité. À l’écran, elle peut se montrer encore plus transparente. Sans qu’on l’attende au tournant, Jérôme Salle (Largo Winch, Zulu, L’Odyssée) revient pourtant sur une cavale des plus spectaculaires dans son récit et son engagement. En s’inspirant librement des témoignages de Yoann Barbereau, qui a vaillamment regagné sa liberté, le cinéaste tente de mettre en boîte les divergences culturelles qui nous séparent d’une nation confinée. Si le comédien en tête d’affiche peut tromper nos attentes sur une histoire qui mérite sa part de violence, il ne tient que sur une banquise sibérienne, prête à éclater à tout instant. Le film s’embourbe dans une écriture relativement classique et dépourvue de nuances.
Le titre interpelle en premier lieu, un terme russe qui s'assimile très bien au complot ou simplement à un procédé qui vise à condamner un citoyen quelconque, vite fait bien fait. C’est ce qui va finir par pousser un petit patron d’entreprise à l’isolement forcée, que ce soit au fond d’une prison ou de son domicile. Mathieu Roussel est donc retenu dans cette spirale, dont il devra faire tout son possible pour échapper à sa sentence. On évitera habilement les détours dans la première partie, avant que l’on navigue dans les pensées troubles de cette victime, qui prône l’injustice dans son regard. Salle pose alors sa caméra au plus proche de Gilles Lellouche, programmé pour ce genre de rôle, celui qui prend des coups et qui va chercher à opposer une résistance à une entité plus forte que lui, à l’image du capitalisme et des lobbyistes dans « Goliath » et le système hiérarchique, voire judiciaire, dans « Bac Nord », pour les exemples récents.
Le parcours de son personnage est alors suffisamment démonstratif pour que l’on ne soit jamais totalement investi dans sa fuite, que ce soit dans ses souvenirs, ses fantasmes ou dans cette réalité. La mise en scène bute sans arrêt sur la présence de Mathieu dans le paysage russe, qu’on a rapidement fait de caractériser via le portrait du tout-puissant leader local ou d’autres élans tenant de la propagande, lorsqu’il s’agit de rappeler le conflit en Ukraine. Il en fa de même pour une administration française, incapable de trancher, ni de rassurer ses citoyens, malgré l’évidence, tributaire d’une relation politique instable. Tout cela est survolé, car l’enjeu s’apprécie à hauteur d’un homme, désarmé par des agents du FSB, anciennement KGB. Ce survivant trouvera néanmoins une note d’espoir et d’amour dans ce blizzard et les ténèbres qui l’oppressent. Sa surprenante relation avec Svetlana (Joanna Kulig) apporte un brin de légèreté, quelques fois bienvenue, mais qui rompt net avec une tension précédemment établie.
C’est ainsi que « Kompromat » casse plusieurs fois ses ficelles scénaristiques, afin d’abandonner son discours dans un lyrisme maladroit, quitte à perdre en cohérence. Des contre-exemples défilent, au profit de courses-poursuites qui tournent rapidement la page. Le suspense renouvelle souvent ses bienfaits, jusqu’à ce qu’on soit à bout de souffle. Mais ce récit d’aventures ne condamne pas le film aux oubliettes, car donne justement l’opportunité au réalisateur d’affirmer une certaine aisance dans une narration très lisible. On se garde ainsi d’étouffer l’affaire sous la menace, à l’image d’un affrontement direct avec un mercenaire idéalisé des instruments organiques russes. Le programme peut décevoir par instant, mais dans un geste sincère, porté par un Lellouche exaltant, nous pouvons nous permettre de l’accompagner sans le filer.