Quand un scénario s'inspire d'une histoire vraie, ou presque, faut-il encore parvenir à mettre le projet sur pied, et là, c'est souvent une autre paire de manches, et ça peut même paraître, quelquefois, inintéressant, voire même raté. Le pari était donc, à priori, assez osé et risqué, pour le réalisateur et scénariste Jérôme Salle, dont nous avions retenu jusqu'à présent les films "Anthony Zimmer" de 2005 et l'excellent "Zulu" de 2013, dont le tournage avait été réalisé en Afrique du Sud ; précisons que le film "Kompromat" est donc inspiré du kompromat (véridique celui-là) subi par l'écrivain français Yoann Barbereau, auteur du livre intitulé "Dans les gêoles de Sibérie" paru en 2020. Côté casting, c'est donc Gilles Lellouche qui a été retenu pour incarner le personnage principal (Guillaume Roussel), un expatrié français travaillant à Irkoutsk (Russie), en tant que directeur de l'Alliance française. Le début du film se déroule dans une ambiance conviviale et chaleureuse, malgré des conditions de vie rustiques en Sibérie. Et puis, tout bascule, la vie de Guillaume Roussel devient un cauchemar, du jour au lendemain, et il comprend qu'il a été victime d'un "kompromat", méthode employée par les services de sécurité russes pour nuire à des opposants, par le biais de faux documents compromettants ; malgré l'obtention d'une liberté provisoire acquise par l'avocat de Roussel et le port d'un bracelet électronique obligatoire, l'expatrié comprend que son avenir le conduira inévitablement en milieu carcéral russe. Dans ce contexte, il décide de prendre la fuite, il s'ensuit alors une véritable course contre la montre, orchestrée par un stress permanent et une pression constante, accompagnés par un rythme effréné, dans lequel Roussel doit recourir à des subterfuges et d'innombrables actes de roublardise, afin d'échapper à ses poursuivants. Pour assurer ce rôle et relever ce défi, il fallait un acteur robuste et au sommet de son art, et ça tombe bien, car Gilles Lellouche marche sur l'eau depuis quelques années déjà, et il faut reconnaître qu'il porte ce film sur ses épaules, même si nous apprécions également les excellentes prestations de Joanna Kulig (Svetlana) et d'Aleksey Gorbunov (Borodin). Certaines scènes sont extraordinaires au niveau du réalisme, on pense notamment à la séquence de l'ambassade française en Russie, où Louis-Do de Lencquesaing est particulièrement convaincant dans son rôle de diplomate. Seul bémol, on relève des incohérences avec quelques scènes où l'agent du FSB traque Roussel, mais peu importe, "Kompromat", à défaut d'être un chef-d'œuvre, reste l'excellente surprise de l'année 2022 pour le cinéma français, et c'est assez rare pour être souligné.