Le long-métrage Blueberry est librement adapté de la bande dessinée éponyme créée par le duo formé de Jean-Michel Charlier et Jean Giraud, et plus précisément des volumes intitulés La Mine de l'Allemand perdu et Le Spectre aux balles d'or, issus du troisième cycle de la saga intitulé L'Or de la Sierra.
La bande-dessinée Blueberry, créée par Jean-Michel Charlier et Jean Giraud en 1965, comporte 27 volumes divisés en dix cycles, le dernier épisode, OK Corral, étant paru en septembre 2003 aux éditions Dargaud. Jean Giraud revient sur la genèse de la bande-dessinée : "Nous nous sommes inspirés des westerns classiques, notamment ceux d'Anthony Mann comme L' Appat ou Du Sang dans le desert. Le côté technicolor avec plein de décors et de costumes. Blueberry, c'est vraiment une transposition du western hollywoodien en BD, et curieusement, c'est la seule BD du genre. Même les américains ne l'ont jamais fait !"
L'idée de Blueberry est venu au réalisateur Jan Kounen juste après Dobermann, son premier film. "J'ai alors eu envie de faire un film sur le thème de l'expérience mystique", explique-t-il. "Mon idée n'était pas de créer une histoire totalement originale, mais de trouver un sujet existant autour de cette dimension. La structure initiale du film, je l'ai d'abord élaboré à partir du personnage de Fantomas : dans mon esprit, ce devait être un film de science-fiction."
Le Français se trouva alors dans une impasse et réalisa qu'il devait plutôt plonger vers l'essence-même de l'expérience mystique, dans les traditions. "C'est le chamanisme qui m'a alors le plus intéressé. Probablement parce qu'il correspondait aussi, assez fortement, à ma façon de filmer : je suis plutôt un cinéaste un peu baroque, pas vraiment un contemplatif... Avec le chamanisme, j'avais donc le sentiment de tenir un point de départ solide, il me restait à faire le lien avec une histoire, de préférence déjà existante. Et là, j'ai immédiatement pensée à la bande-dessinée Blueberry."
Réaliser Blueberry a permis à Jan Kounen de collaborer avec le dessinateur Jean Giraud, alias Moebius, l'auteur de la bande-dessinée éponyme qui a inspiré le film et dont il est l'un des plus fervents admirateurs. Et si les aventures de Blueberry ne comportent que très peu d'allusions au chamanisme, il n'en reste pas moins que l'oeuvre de Giraud sous le nom de Moebius comporte, elle, une grande part de mystère et de surnaturel.
"C'est un peu Jean Giraud, au travers des oeuvres qu'il a réalisé en tant que Moebius, qui a fait mon "éducation mystique"", raconte Jan Kounen. "J'ai trouvé dans son oeuvre des visions et des mondes archétypaux qui ont eu sur moi beaucoup d'influence. Du coup, il y avait une sorte de logique à conjuguer dans un projet de cinéma tous les univers que Jean a créés. Et cela d'autant plus que l'univers du western m'attirait beaucoup : d'une part, parce que la veine mystqiue a été peu explorée dans un tel contexte, et d'autre part parce qu'il y a peu de réalisations très récentes dans ce domaine. Enfin, la période historique de la bande-dessinée m'a également beaucoup intéressée, une période où les cultures indiennes étaient encore en équilibre avec notre culture occidentale."
Avant que Jan Kounen ne soit désigné pour réaliser le long-métrage Blueberry, Jean Giraud avait prévu de confier les commandes du projet au cinéaste américain Walter Hill (48 heures). Les deux hommes ont collaboré jusqu'à à un stade avancé avant que le projet ne capote et que Jean Giraud fasse la rencontre de Jan Kounen.
A l'instar de Dobermann, le réalisateur Jan Kounen s'est donné un petit rôle devant la caméra dans Blueberry.
Après avoir écrit le script de Blueberry, Jan Kounen s'est vite rendu compte que le chamanisme était encore quelque chose de très obscur pour lui et qu'il ne pourrait inclure cette notion dans le film sans effectuer des recherches supplémentaires. De nombreuses lectures ne lui ayant pas été suffisantes, il décida donc de partir seul à l'autre bout du monde afin de connaître le quotidien d'un chamane. Jan Kounen a effectué de nombreux voyages au Pérou et au Mexique qui lui ont permis de "découvrir de nouvelles réalités, de transformer sa vision des choses et de nourrir ainsi le scénario."
Blueberry a demandé énormément d'investissement de la part de son acteur principal Vincent Cassel. Celui-ci a d'ailleurs lu de nombreux ouvrages sur le chamanisme, en particulier les livres de Carlos Castaneda. Sur le tournage du film, l'acteur a dû apprendre le Tepehuano, une langue indienne que seules mille personnes dans le monde pratiquent. Il s'est enfin astreint à un rude entraînement physique avec un coach texan, afin de monter parfaitement à cheval. Une implication dans le monde des cow-boys qui l'a amené à tuer lui-même un serpent à sonnettes qui faisait peur à un groupe de chevaux, serpent dont il a d'ailleurs conservé la queue !
Avant que Jan Kounen ne fasse appel à son ami Vincent Cassel pour incarner Mike Blueberry, les noms de Willem Dafoe, Hugh Jackman et surtout Val Kilmer circulèrent pour le rôle-titre. Val Kilmer était en effet fortement impliqué dans le projet, mais une incompatibilité d'emploi du temps empêcha à la dernière minute l'Américain de tenir la vedette du western.
Les autres rôles de Blueberry furent eux aussi sujets à quelques revirements de casting. Ainsi, Milla Jovovich était initialement pressentie pour incarner le rôle de Maria finalement dévolu à Juliette Lewis. Quant à Michael Madsen, il s'est présenté à Jan Kounen avec la ferme intention d'incarner Mike Blueberry, avant que le cinéaste ne lui fasse prendre conscience qu'il était parfait pour le rôle de Wally Blount.
Dans Blueberry, la comédienne Juliette Lewis partage l'affiche avec son père Geoffrey Lewis en incarnant le rôle de... sa fille. C'est la seconde fois qu'ils sont au générique d'un même film après Way of the gun, en 2000.
"La culture indienne aborde des questions fondamentales comme celles de la nature, de la réalité, ou de la conscience de façon très sophistiquée qui, en comparaison, nous font vraiment apparaître comme des êtres primitifs. (...) Le chamanisme, c'est une science de l'esprit. Les Indiens d'Amazonie et du Mexique mettent en pratique cette technologie par l'entremise d'agents extérieurs : les plantes. Ce sont des agents bouleversants, littéralement, parcequ'ils nous font pénétrer un plan de réalité plus large, et aborder de façon différente la conscience de soi. Alors, la mort de votre identité vous apparaît comme une porte vers l'autre réalité. Voilà la réalité chamanique."
Pour une partie de la promotion de Blueberry, Jan Kounen et Vincent Cassel jouent la carte de l'originalité et de l'humour, en utilisant les réseaux de téléchargement de fichiers informatiques P2P (Peer to Peer, dont le plus célèbre, Kazaa), ceux-là mêmes qui ont permis l'échange de plus de 87 millions de films à travers le monde en 2003.
Une version très spéciale du film a ainsi été proposé au format DivX sur les réseaux P2P, proposant aux internautes "pirates" les premières minutes du long métrage, soudain interrompues par Jan Kounen et son héros Vincent Cassel. Via un discours complice et malin, ils invitent les cinéphiles à découvrir le film en salles le 11 février prochain, et non sur un écran d'ordinateur, peu propice à restituer la qualité de son et d'image sur laquelle l'équipe travaille maintenant depuis plus de deux ans. Cadeau des deux compères pour ces longues heures de téléchargement, des images exclusives du tournage commentées par le réalisateur et ses collaborateurs.
D'une durée d'une vingtaine de minutes, la séquence se conclut par le générique du film -hommage à tous ceux et toutes celles qui y ont oeuvré- avant de se répéter en boucle pour atteindre les 700 mb et ainsi simuler le poids de la version complète du film. Imaginée collectivement par l'équipe de Blueberry, cette initiative clin d'oeil cherche surtout à parler autrement d'un film et à ramener les spectateurs vers les salles.