Une question tout d'abord, sommes-nous vraiment en 2004 ? Pour que des trentenaires branchés comme Kounen ou Kassovitz essayent de remettre la superstition au goût du jour ?
Ensuite, le "vrai" chamanisme, ou plutôt le processus d'initiation des indiens a déjà été traité dans un "vrai" chef d'oeuvre, "L'homme cheval" avec Harris. Sans autres effets spéciaux que des incrustations, mais beaucoup plus expressif et prenant, même en 1970.
Donc, si le film est quand même bien noté, c'est pour d'autres raisons.
Le dynamisme et l'originalité de la caméra de Jan, on en attendait pas moins du réalisateur de "Doberman".
Le choix des acteurs, une sorte de messe des seconds rôles français et américains, qui donne beaucoup de tendresse à l'ensemble et évite l'effet western spaghetti que les gros plans et l'anti héroïsme un peu lourd ne manquerait pas de susciter.
Le scénario, qui ne s'occupe pas une seconde d'expliquer la BD, ce qui nous évitera peut-être une suite ?
La prédominance de l'animalité et de la drogue. Vraie fausse bonne idée, car s'il est vrai que par une nuit noire en pleine campagne, avec des hallucinogènes, on peut croire à tous les esprits que l'on veut, ça n'est pas la démarche chamanique qui demande un travail spirituel pas du tout évoqué.
Mais la différence entre Kounen et les autres, c'est que malgré tout le mal intellectuel que l'on peut penser de ses vidéo clips géants, on sent toujours une profonde sincérité sinon gentillesse et un engagement sans faille, ce qui fait que l'on rentre malgré tout dans le film, pour n'en ressortir qu'avec l'écran noir du générique.
A noter une scène magnifique, que je qualifierais d'hommage à la BD en général pour la démonstration du pouvoir narratif temporel. Quand l'hélicoptère suit en 4 mn et en accéléré tous les protagonistes qui se poursuivent sans se (sa)voir.
Les cadrages et les vues aériennes sont bluffantes même si en gros plans, la moitié des visages est floue.
Enfin, la musique, trop absente, vu sa qualité, c'est vraiment dommage.
Pour les mauvais points :
La mort d'un des protagoniste reste encore à expliquer (overdose ?), et c'est bien là que le bât blesse, comme dans "Gothica", le réalisateur arrive à faire un film qui flirte avec les hallucinations par inhalation puis explose le fil de la raison.
Techniquement, pour les effets de synthèse comme à son habitude, Mac Guff ne s'est pas foulé, entre les yeux non raccord avec les monstres et le systématisme des fondus faciles entre les couches. Souvent esthétique (un peu trop) mais jamais impressionnant. Je pense également que l'inspiration "Aliennique" ne correspond pas
vraiment aux peintures rupestres des mythologies indiennes. Bref, un joyeux foutoir psyché-pompeux d'amateurs de littérature d'anticipation.
Bref, moins inattendu que "Doberman", mais ça se laisse boire (il n'y a pas de faute de frappe !).