Dans Les Promesses, Thomas Kruithof explore à nouveau une "mécanique de l’ombre" après le thriller avec François Cluzet sorti en 2017 : celle des tractations politiques. Après l’élection présidentielle de 2017, le réalisateur voulait s'intéresser au courage politique et il lui a semblé que c'est à l’échelon local qu'il persiste. Il a alors rencontré Jean-Baptiste Delafon, le co-créateur de Baron Noir, qui travaillait sur un portrait de maire de banlieue. Thomas Kruithof se rappelle :
"Il avait déjà rassemblé de la documentation, on a continué à rencontrer des maires, des acteurs du secteur associatif, ça s’est enrichi au fur et à mesure... J’ai trouvé qu’il y avait une matière humaine et sociale passionnante et viscérale autour du problème des copropriétés dégradées et des marchands de sommeil."
"Ce qu’il y a de commun avec mon premier film, c’est le rapport de l’individu face au système. Dans La Mécanique de l’ombre, c’était plus ouvertement kafkaïen, mais là, au sein de cette cartographie de la vie politique, on perçoit qu’il y a différents échelons de décision, et que les individus doivent se débrouiller avec... Le maire occupe une place à part dans ce système : il fait la liaison entre le peuple et l’Etat. Il connaît les prénoms et les noms de ses administrés et en même temps, il est exposé à l’état central."
"La promesse, c’est l’unité monétaire en politique. C’est ce que les personnages échangent tout au long du film. Mais ce sont aussi les promesses que l’on se fait à soi-même, la ligne de conduite qu’on se promet de suivre. J’aime ce mot, il est très concret, mais il a aussi un sens moral et donc intime."
Pendant l'écriture du scénario (qui a duré trois ans), Thomas Kruithof et Jean-Baptiste Delafon ont rencontré, en banlieue parisienne, beaucoup de maires aux couleurs politiques différentes. Le premier explique : "On a attrapé des fragments de vie, des petites scènes qui nous ont inspirés. Toujours ce double rapport avec les citoyens et avec les instances au-dessus d’eux... Même le maire d’une ville de 50 000 habitants reçoit chaque semaine des citoyens, écoute leurs doléances, c’est un métier de terrain. En banlieue, les lignes politiques ont bougé, il y a une variété de tendances mais un consensus sur l’action à mener en ce qui concerne l’habitat insalubre."
Thomas Kruithof et le directeur de la photographie Alex Lamarque ne voulaient pas adopter les codes du cinéma réaliste social, avec une caméra à l'épaule. Le metteur en scène développe : "Je voulais que la caméra ne bouge que si les personnages bougent, et que la mise en scène traduisent les rapports de force entre les protagonistes. Le travail du chef-décorateur Olivier Radot a été également très inspirant, il a apporté sa vision et a su aussi se débrouiller avec des moyens limités.
Il y a en effet beaucoup de décors dans le film, et il s’agissait de travailler leurs contrastes pour raconter toutes les strates sociales. Avec concision, en suivant les personnages. Par exemple, il fallait que l’on comprenne en une poignée de secondes ce qu’est un marchand de sommeil à travers le décor de l’appartement-dortoir. Et au cœur du film, le motif de l’escalier s’est imposé naturellement : l’escalier chez Clémence, celui du Grand Paris, de Matignon, de la cité..."
Le film a été tourné à Clichy-sous-Bois, une commune d'environ 30 000 habitants située dans le département de la Seine-Saint-Denis à une dizaine de kilomètres de Paris. Reda Kateb se souvient : "C’est un univers que je connais un peu, j’ai grandi à Ivry sur Seine, dans une cité un peu moins délabrée mais avec des codes communs. J’ai repensé à l’accueil très généreux que nous avons reçu."
"Le premier jour, je suis reparti avec un couscous qu’un des gars de la sécurité avait fait pour moi, il m’attendait à la sortie du maquillage avec du couscous pour 15 personnes ! Et j’ai aimé toutes les scènes de porte-à-porte : souvent, j’étais face à des comédiens non-professionnels, et j’aime bien jouer avec eux, être aussi vrai que les gens vrais que j’ai en face de moi. J’ai tout aimé dans ce tournage."
Grégoire Auger avait déjà signé la bande-originale de La Mécanique de l’ombre. Thomas Kruithof raconte : "C’est une musique en suspension, faite de notes ascensionnelles qui vont les unes vers les autres, avec notamment des « glissandos » et des « portamentos » de violons. Il y a un thème principal qui ouvre et ferme le film, et dont les harmonies ont été déclinées sur le reste du film."
Dans le film, le spectateur ignore à quel parti Clémence appartient. Thomas Kruithof a en effet fait le choix de laisser de côté l’idéologie pour se concentrer sur le combat quotidien des protagonistes. "D’ailleurs, c’est un film sur la politique mais où l’on parle plus d’argent que d’idées... Plus largement, les « back stories » des personnages m’ennuient. Je trouve plus intéressant de donner quelques pistes, à chacun de se faire son idée", précise le metteur en scène.