Ici, on parle politique de la ville. Le vrai est préféré à l’esbroufe fumante. C’est une ode au non spectaculaire et ça fait du bien. Les drames de l’insalubrité et des migrants prêts à tout tant ils ont connu le pire, est simplement exposé factuellement, dénué de sensationnalisme. La verticalité du pouvoir est ici juste adroitement suggérée par notamment l’importance des décors. En effet, on monte beaucoup d’escaliers dans Les promesses, qu’il s’agisse des Bernardins, ou ceux de Matignon et de l’Élysée. C’est un jeu filmique de contraste évident entre les cités dortoirs insalubres et les palais dorés de l’état, mais sans l’option simpliste de la démagogie et d’un mortifère poujadisme.
La force est également dans la crédibilité de l’interprétation du duo Isabelle Huppert et Réda Kateb, tant l’œuvre est centrée sur ce qui se joue entre les deux, et même quand ils s’éloignent, comme c’est le cas à un moment donné, la façon dont leurs actions demeurent intimement liées. La question de l’intime entre eux est captivante, celle des barrières, où tant de finesse s’exprime dans les regards qu’ils se lancent. Ce sont presque des amoureux politiques… Et qu’il est réjouissant de les voir fonctionner ensemble. Isabelle Huppert, tout en doutes et en ambivalence dans son rapport au pouvoir. C’est bien par elle que passe le sempiternel questionnement du politique dans ce balancier entre ambitions et convictions. Son ambiguïté, sa fausse indifférence avec laquelle elle compose finalement, est en fait très saine dans le film, car ses doutes sont vivants tant ils sont légitimes. C’est comme une sorte de folie de la démesure dans la possibilité ascensionnelle qui s’offre à elle.
Réda Kateb crève l’écran, il est pleinement fascinant tant il semble incarné. De nombreux plans fixes viennent le magnifier et affirment un aspect hautement affectif de son personnage. Il est habité de convictions, et défend avec talent le rôle qui est le sien. On sort du film en se disant que Réda Kateb on a de la chance de l’avoir… Au final, comme il est souvent affirmé que « Les politiques sont des acteurs », dans Les promesses, ce sont les acteurs qui sont de formidables politiques. Même si comme le disait dans sa férocité ordinaire Pierre Desporges, en reprenant la pensée Platonicienne « La démocratie est la dictature du peuple », le film Les promesses opère comme une forme de douce réconciliation avec la vérité, une bulle salvatrice loin d’une folie ambiante aujourd’hui pleinement installée. Justement, quand le cinéma élève et c’est ici le cas, alors il ne faut pas hésiter à aller vérifier par vous-même si Isabelle et Réda vont finalement tenir leur promesse.