Pas un dîner de cons mais un déjeuner de vieux cabots, leur déjeuner annuel à la Closerie des Lilas. Quelle belle brochette de plumets enneigés, entre les Arditi, Murat, Le Coq, Prévost et j‘en passe, mais pas de meilleurs. Si un, il faut le sortir du lot, Jackie Berroyer, personnage lunaire comme à son habitude, gentil bonhomme qui n’a rien à échanger avec les autres, surtout pas l’acrimonie qu’ils partagent tous, au fond d’eux-mêmes, vis-à-vis des autres convives, salement aigris. Maintenus à l’écart de la brochette, Poelvoord. On ne sait pas ce qu’il leur a fait lors de leur dernière rencontre, eux ne le savent pas non plus, le vieux ça oublie vite les paroles mais ça se souvient de la musique. Ils ne savent donc pas pourquoi ils en veulent à Poelvoord, mais ils savent qu’ils lui en veulent. Jean-François Stevenin sera le dindon de la farce, parce que tous ces ivrognes refuseront de payer l’addition qui restera sur les bras du bistrotier. Pauvre JF, il ne s’en remettra pas… Depardieu convoqué au déjeuner n’a pas voulu venir, il était aux dépravés absents, on le voit dans quelques scènes ruminer à l’écart sa rancoeur.
Globalement, le spectateur finit par s’ennuyer un peu devant ce spectacle si peu réjouissant, même si quelques échanges ou quelques situations sont savoureuses. L’autoportrait de Daniel Prévost est glaçant mais d’une rare justesse, Le Coq est pathétique en vieux beau qui a dépassé la date de péremption, Murat est toujours sur ses rails (de coke), Arditi pérore et imite Arditi en pire, Damiens est moins vieux que les autres mais il aura vite fait de rattraper son retard d’ici le prochain repas… L’avant-dernière scène où Poelvoord chante la chanson « Ordinaire » de Charlebois a des accents tragiques...
Edoard Baer s’est fait peur avec ces vieux, son personnage qui fait une courte apparition au restaurant nous le dit, et il nous fait aussi très peur ! Quelle déchéance, quelle désolation ! Baer, sous ses allures de dandy, détaché mais toujours plein d’humour et de classe, est un grand inquiet, un grand pessimiste. Pas une raison pour nous faire partager ainsi ses angoisses existentielles. Fais gaffe l’Edouard, ton tour va arriver, ta crinière va blanchir. Il est grand temps que le cinéma t’offre le grand rôle que tout le monde attend pour toi, un rôle de méchant ou d‘ordure qui te ferait sortir de ta zone de confort. Sûr que tu y serais excellent !