L’intention était louable, le résultat un peu moins. Edouard Baer aime les comédiens, il en est un lui-même issu du célèbre cours Florent, passé comme tant d’autres à la réalisation. Adieu Paris raconte une journée improbable, celle qui réunit pour un repas annuel une bande d’amis, parmi lesquels on reconnaît la plupart de ceux qui squattent les génériques des films français. On a bien dit ceux, sans tordre le cou à la nouvelle bible politiquement correcte de la mixité. En effet, pas de femmes, elles sont interdites dans ce genre de coteries, comme dans les clubs anglais. Et la règle est très stricte puisqu’Isabelle Nanty, qui interprète la compagne virtuelle de Benoît Poelvoorde, ne pourra pas entrer à la Closerie des Lilas, malgré son insistance. Des acteurs connus, trop connus, de l’entre-soi, la Closerie des Lilas, etc., tout pour faire en effet un film boboïde ?
Pourtant, au départ, ce n’était pas son intention, déclare Edouard Baer dans le dossier de presse du film : « Au début, j’envisageais un semi-documentaire sur des gens que j’admirais. Souvent, les générations d’acteurs admirent celle d’avant, pour le travail des acteurs mais aussi pour leur personnalité. Il y a cette impression qu’ils sont aussi fascinants à la ville que sur scène, des types qui peuvent tenir le coup dans des dîners face à des buveurs. Il y a eu la bande Belmondo-Rochefort-Marielle, puis Poiret-Serrault, Piéplu, Galabru... j’ai beaucoup aimé tous ces gens- là. » Malheureusement, il est passé du projet de documentaire à un film de fiction qui se présente quand même comme un documentaire dans lequel s’agite presque désespérément une troupe de comédiens parmi lesquels on reconnaîtra Pierre Arditi en chef de clan intransigeant, mais aussi Bernard Le Coq en vieux beau, Jackie Berroyer en vieux gaga, Daniel Prévost en histrion insupportable, François Damiens en sculpteur raté, Bernard Murat en cocaïnomane, etc. Le seul personnage sympathique et crédible est peut-être Gérard Depardieu flanqué de sa fille, interprété par Ludivine Sagnier, justement parce qu’il refuse de se rendre à ce repas fielleux et préfère finalement regarder le spectacle de Paris depuis la terrasse de son immeuble. Et Jean-François Stevenin bien sûr, en propriétaire du restaurant, un peu escroc, un peu naïf, dont c’est encore une des dernières apparitions à l’écran.
Au final, un film de trop peut-être, dont on ne sait vraiment pas quelle est l’utilité, sinon de faire plaisir au réalisateur, mais pas vraiment aux acteurs qui ne ressortent pas particulièrement grandis de cette expérience, c’est le moins qu’on puisse dire. On se demande si, avec le temps, ce film ne va pas servir finalement d’étalon pour montrer aux futures générations quel était l’état de décomposition du cinéma français au XXIème siècle. Jean-Max Méjean