Mélancomédie
Evidemment, réunir – par ordre alphabétique – Pierre Arditi, Edouard Baer, Jackie Berroyer, François Damiens, Gérard Depardieu, Bernard Le Coq, Bernard Murat, Benoit Poelvoorde, Daniel Prévost et Jean-François Stévenin, sur un même écran, c’est plus qu’alléchant… C’est royal. Mais parfois, le menu est trompeur. Un vieux bistro parisien au charme éternel. Huit messieurs à table, huit grandes figures. Ils étaient les « rois de Paris », des trésors nationaux, des chefs-d'œuvre en péril. Un rituel bien rodé... Un sens de l’humour et de l’autodérision intacts. De la tendresse et de la cruauté. Huit vieux amis qui se détestent et qui s’aiment. Et soudain un intrus... 96 minutes pour virtuoses, pendant lesquelles chacun va y aller de son grand numéro de cabotinage… inévitable. A couper le souffle ? Non, ennuyeux parce que complètement vain.
Pour son 4ème long-métrage, Edouard Baer, - qui a écrit et réalisé le film -, avait envie sans doute de filmer une bascule du temps, la fin d’une époque, pas seulement sur les acteurs mais sur certains personnages de la vie sociale parisienne, cette vie de bistrot chère à la capitale. Personnellement, je suis passé à côté de ce rendez-vous des vieilles gloires, car ce qui est montré là, n’est pas l’image que je me fais de l’amitié vraie. Je ne partage pas cette façon de s’aimer tout en se détestant avec ces hommes d’une totale mauvaise foi qui se gueulent dessus pendant une heure et demie. Et puis, le style happening permanent cher à Baer est épuisant. Même si la nostalgie hantée par la vieillesse et la mort est omniprésente, les mots d’auteur fusent, et on sent la fascination du scénariste pour les vieux excentriques. Le problème, c’est qu’il a bien du mal à nous la faire partager. On est submergé par la cruauté du propos et par l’aigreur générale qui plane sur ce repas de vieux potes au point de le rendre indigeste. Et Dieu sait que j’aime les acteurs, qui, en plus, sont tous excellents. C’est le propos général où le pathétique prend trop rapidement le pas sur tout le plaisir qu’on aurait dû trouver devant cet incroyable casting réuni pour un dîner qui oublie d’être savoureux.
A part l’acteur japonais Yoshi Oida, - dont je n’ai pas bien compris le rôle – d’ailleurs, il a l’air aussi ahuri que moi -, la gente féminine, pourtant superbement représentée par Isabelle Nanty, Ludivine Sagnier, Léa Drucker et Sigrid Bouaziz, se contente de passer les plats… vous me direz pour un huis-clos dans un bistrot, y’a une logique. Une belle idée tout de même pour conclure ce dîner de cons – mais les cons ne sont pas à table, mais dans la salle -, la chanson de Charlebois Ordinaire, éructée par Poelvoorde et qui ajoute un point d’orgue tragique à ce portrait vénéneux d’une génération qui disparaît. Grosse déception !