Edouard Baer m’est tellement sympathique que je kiffe n’importe quel petit rôle qu’il obtient dans les films des autres et que j’applaudis ceux qu’il tourne, même quand ils sont aussi nombrilistes que ‘Ouvert la nuit’. Dans ‘Adieu Paris’, il tient un petit, tout petit, rôle, qui lui va bien, mais il laisse la vedette à une brochette d’acteurs confirmés dont la datation carbone 14 s’échelonne du boomer bon teint au dinosaure calcifié. L’histoire tourne autour d’un dîner de vieilles gloires, à laquelle Benoît Poelvoorde a été convié par erreur et dont les autres lui font vite comprendre qu’ils comptent bien l’ostraciser. Autour de la table, ça gueule, ça vanne, ça rouspète, ça déplore le temps qui passe, ça se mouche dans ses souvenirs de guerre et ça se croît encore très pertinent, même si on sent comme une conscience sous-jacente de ne plus être du tout à la page C’est un film de dialogues, globalement bien écrits mais, bizarrement, pas les plus spirituels qu’on doive à Baer. Parfois, ces vieux barbons vivent un moment d’émotion authentique mais ils sont tellement imbuvables et pathétiques le reste du temps qu’on n’a pas très envie d’être émus avec eux. En fait, il n’y a que Poelvoorde, qui se soûle lentement et tristement au bar et Baer dans son caméo qui inspirent un soupçon de sympathie. C’est très difficile de réussir un film avec des personnages antipathiques, à moins d’avoir d’immenses acteurs sous la main, ce que ne sont quand même pas un Pierre Arditi ou un Bernard Le Coq. Seul l’ogre Depardieu aurait pu y parvenir mais son personnage a décidé avec hauteur de ne pas venir à la fête, conscient de l’inanité de tout ce cirque. Du coup, Baer en reste à son caméo, et la nostalgie d’une ère révolue à laquelle on aurait pu être sensible semble absente du projet.