Pile dans la moyenne, entre le pire et le meilleur, c'est le consensus sur lequel tout le monde s'accorde pour juger "L'homme de la Cave" de Phillipe le Guay, réalisateur dont je suis très sensible à son travail. "Les Femmes du 6e Étage", "Alceste à Bicyclette", "Normandie Nue", il y a toujours un bon fond dans chacun de ses films et une étude de l'image qui sans être révolutionnaire est toujours agréable à découvrir.
Ici, c'est sur un terrain inhabituel que Le Guay s'aventure, celui de la peur et de l'angoisse. Et pourtant, avec cette lutte entre un homme d'origine juive et un négationniste insistant, difficile de ne pas retrouver le thème de l'opposition cher au réalisateur : l'opposition entre la bourgeoisie et les femmes du 6ème, entre la nudité et la ruralité, Le Guay prend un plaisir à faire cogner les éléments qui s'opposent jusqu'à tout faire exploser durant le final, pour le meilleur ou le pire.
Ici, le genre se prête proprement à cet exercice, tant le personnage de François Cluzet cherche à faire imploser Jérémie Rénier tout du long, car c'est de la peur et de la colère dont il se nourrit. Le film fonctionne sur un slow burn qui prend bien son temps, installe doucement ses éléments, notamment concernant divers set-up pay-off pas tous satisfaisants et d'autres plus subtils. Ce slow burn sera aussi très travaillé avec le personnage de la fille de Jeremie Rénier, rappelant Juliette Lewis dans "Cape Fear" de Scorcese.
A noter également comme toujours chez le Guay un travail de la photographie très beau tout en étant très simple : beaucoup de scènes en caméra épaule avec une faible profondeur de champ, la lumière de la cave blanche / grisâtre qui marque nos esprits, un étalonnage jouant sur les noirs profonds pour mieux faire ressortir les couleurs, c'est sûrement un de ses films les plus propre visuellement.
Le reste, ce qui ne va pas, c'est finalement son sujet et la façon dont il le traite. Le Guay fait des films avec cœur et parfois une candeur, mais jamais dans le mauvais sens du terme. Ici, son style pour faire avancer le récit et diriger les acteurs ne prend pas toujours, notamment concernant François Cluzet qui peut se révéler glaçant par instant, mais peut également nous faire apparaître un léger sourire voir un rire par moment.
Son thème n'est jamais inintéressant, mais le film semble pousser le curseur parfois un poil trop loin et manque alors beaucoup trop de subtilité. On valse ainsi tout le long du film, on est dedans puis on est dehors, mais jamais on se pose de manière fixe.
La mise en pratique n'est pas toujours réussie, et certains personnages appuient le propos à coup de "on ne peut plus rien dire" avec la force d'une voiture bélier, mais difficile de ne pas voir ce que Le Guay a voulu nous raconter : comment le négationnisme divise même les gens les plus soudés, comment la haine peut nous consumer, comment jouer sur les mots peut nous faire poser les mauvaises questions, et comment se poser les mauvaises questions est le premier signe d'une carapace de vérité qui s'effrite. Ni bon ni mauvais, pile dans la moyenne.