Petite Maman, le dernier film de Céline Sciamma présenté à Berlin en début d'année prolonge la ligne dans laquelle la cinéaste est surement la meilleure : son regard simple, et pourtant si beau sur l'enfance. Ses complexes, sa timidité et son infini et innocente liberté au cœur du perpétuel mouvement, autant inscrit dans les vacances comme dans Tomboy, que dans les premières sorties - et émois amoureux - dans le magnifique Naissance des pieuvres. Si c'est la question de l'identité et de l'acception de soi parsèment l'œuvre de Sciamma, Petite Maman vient pour sa part arpenter une autre question, toute aussi primordiale : le deuil et la figure parental. Si après la mort de sa grand-mère, la jeune Nelly rencontre sa propre mère alors âgée de 8 ans, dans un voyage dans le temps étonnement intime, c'est aussi pour une chose : s'unir pour des moments à jamais gravés dans l'image fragile et importante de l'enfance. Venir aussi accepter la vie, la mort comme un obstacle tout aussi difficile à surmonter que le transport d'une grande branche pour finaliser sa cabane. Petite Maman part d'un postulat de science-fiction (le voyage temporel), mais se dénoue de toutes explications, de rationalité et d'envergure. En effet, l'enfance est-aussi là : ne pas chercher la rationalité et les questionnements, laissant plutôt l'inattendu venir. Laisser l'imaginaire apparaitre ! C'est en partant à l'aventure vers la pyramide lacustre du parc de Cergy-Pontoise, en s'inventant une véritable enquête policière, ou en construisant une cabane dans les bois avant d'aller préparer des crêpes, que le véritable lien se forme ! Un lien qui se fonde dans le moment, dans le mouvement (l'enlacement) et dans le partage continuellement important pour deux filles uniques souvent privées de compagnie.
Petite Maman est un petit éclat bref et insaisissable, comme un souvenir d'enfance si l'on veut. Un film tenant de l'anecdotisme, à conjuguer ici au positif, venant d'un partage rapide mais fondamental de vacances, de jeu, de moments. On peut néanmoins reprocher au film un certain manque de vie passager. Que cela soit dans la relation père-fille, ou dans une volonté de lenteur qui prend parfois le dessus, le film perd entre ces magnifiques lignes une forme de consistance vivifiante, comme le feuillage que Nelly pose sur la cabane entièrement terminée. Un étonnent manque d’humanisme qui aurait venir rattacher les cordes entre-elles, offrant alors encore plus de vie et de poigne comme l’était Tomboy par exemple. Mais tout de même, il y'a surtout derrière Petite Maman un regard qui se forme, qui évolue aussi peut-être. Si Céline Sciamma laisse le mystère sur la suite des évènements - car après tout, Petite Maman tient sa force dans l'instant - il y'a quelque chose qui va incontestablement changer : une relation mère-fille, dans le passé comme dans le futur, qui ne peut s'améliorer qu'en prenant le temps. Bien que l'âge ne s'y prête plus, le temps des moments infaillibles persistent toujours. Ce voyage surnaturel viendrait ainsi tenter de contrer les méandres du passé si bien résumés par cette petite phrase de Nelly à sa mère lorsque cette dernière lui reproche de poser des questions uniquement le soir avant de se coucher : « c'est seulement là que je te vois ».