Céline Sciamma n’a pas pour habitude de prendre les enfants pour des nigauds, ni pour des créatures fragiles qui ne savent pas encaisser la réalité. Dans son dernier film « petite maman », comme pour « ma vie de courgette », le deuil est présent dès les premières minutes.
Fidèle à son courage, elle s’attaque de nouveau à l’Everest sentimental par la face nord, avec beaucoup de cœur à l’ouvrage !
N’y voyez pas là une volonté morbide, au contraire, une douceur poétique habite ce « petit métrage » de bout en bout.
D’apparence dépouillés, sans effets spéciaux à la sauce Américaine quand il s’agit de plonger dans la partie fantastique, la mise en scène et les cadrages sont soignés comme des tableaux naturalistes.
Une des premières scènes donne le ton : dans la chambre de l’EHPAD où la grand-mère vient de mourir, sa fille, assise sur le lit mortuaire, de dos, regarde par la fenêtre. La lumière extérieure est superbe, auréolée par l’heure orange, le poids du deuil se devine sur ses épaules. L’effet est renforcé par un blouson légèrement trop grand qui accentue le poids du deuil sans rien pouvoir lire sur son visage. Simplement magnifique…
L’épure et la lumière sont omniprésents, les couleurs d’automnes flamboyantes sont éclatantes et magnifient la forêt ainsi que la maison qui sont des personnages à part entière.
Par petites touches colorées, sur un rythme lent et doux, nous explorons les nombreux chemins de la forêt des relations entre parents et enfants. Les non-dits (sous des amas feuilles), la transmission de l’histoire familiale ainsi que les liens qui sont autant de chaînes (avec des boulets qui nous ralentissent) que des attaches qui unissent et portent vers le haut.
Avec beaucoup de grâce et une apparente facilité, nous sommes captivés dans ces bulles temporelles dont on ne voudrait plus sortir. Après tout, nous sommes si bien dans nos cabanes d’enfants retrouvées.
De mère en fille ou de fille en mère, les petites à âge égal, découvrent qu’elles n’ont « pas inventé (leur) tristesse ». Cette pyramide de sentiment est sublimée par l’œuvre de Dani Karavan et portée par la chanson « du futur » dont les paroles ont été écrites pas Céline elle-même.
Fidèle à l’intensité de ses messages, Céline se surpasse et telle une panthère noire, nous surprend en faisant jaillir un film aussi inattendu que réjouissant, porté, à pas de velours, par un duo de jumelles ultra complices et justes, ainsi que des « grands » au jeu minimaliste au diapason.
La fin est juste parfaite et l’on ressort, j’en suis persuadé, avec l’envie de mieux communiquer avec les enfants.