Baltasar Kormàkur fait allusion aux « Dents de la mer » de Steven Spielberg. J’y ai pensé tout au long du film. Sauf que la taille du lion n’a pas été amplifiée contrairement au requin même si celui-ci n’est pas tant éloigné de la vérité.
Le lion semble avoir une taille raisonnable.
Steven Spielberg ne s’était pas embarrassé de troubles familiaux : pas d’instance de divorce ou de séparation, pas de traumatisme lié à la mort d’un enfant, à la mort d’une épouse, pas de sentiment de culpabilité, pas d’antécédents d’alcoolisme et j’en passe.
Avec les films d’horreur ou de catastrophe et même de science-fiction (je pense à Gravity par exemple), il faut sans cesse placer des personnages avec des traumas familiaux. Il faut sans cesse que ces traumas soient exorcisés par une épreuve tragique au cours d’un voyage banal (Sauf Gravity bien entendu, ce n’est pas un voyage banal, l’Espace !).
Pour « Beast », Nate est un père médecin, avec ses filles, il rejoint un ami de longue date en Afrique ; rien de tel qu’un bon safari pour renouer des liens. On apprend que Nate a déserté le foyer familial. C’est rien, ça. Ses filles lui reprochent d’avoir abandonné le foyer consciemment alors que leur mère souffrait d’une maladie incurable. Evidemment, il s’en défend le bougre, il ne le savait pas. Mais l’aînée des ados est coriace.
Ainsi, entre deux attaques d’un lion férocement déterminé à tuer, le papa prend le temps de convaincre sa fille aînée, dubitative.
Le film étant bien balisé, la fille et le père finiront par se pardonner, c’est d’un classique navrant.
Avec Spielberg, le spectateur n’est pas du tout encombré de ce qui ne nous regarde pas. Spielberg ne s’intéresse qu’à la bête, au danger qu’elle représente, à sa présence sur les plages D’Amity, sur la mobilisation des habitants, sur la motivation presque inconsciente de Hooper (Richard Dreyfus), sur l’ironie irrespectueuse de Quint (Robert Shaw) et sur l’inquiétude nerveuse de Brody (Roy Scheider).
Pas de discussions inutiles. Spielberg crée une ambiance. Même si on ne voit pas le requin, le spectateur ressent sa présence. Il n’est jamais à l’aise.
Pour ceux qui comme moi se laissent prendre au récit en tout cas.
Moi, je m’en moque des soucis familiaux, ça me fait sortir du film, ça plombe le récit inutilement surtout si c’est répétés. Ou alors, si détente il doit y avoir entre deux attaques, seuls le silence et une pointe d’humour suffisent.
Justement, l’humour manque cruellement à ce «Beast » contrairement aux « Dents de la mer ».
A cela s’ajoute des scènes invraisemblables
comme l’aînée qui sort récupérer le « tonton », alors que la bête rôde ; alors qu’elle ne connaît même pas le terrain ;
un faux suspens en ce qui me concerne qui, là encore, me fait sortir du film, je n’y crois plus du tout.
Et bien d’autres scènes.
Que la bête soit exceptionnellement intelligente, exceptionnellement féroce, exceptionnellement plus grande que ses congénères ne me dérange absolument pas, ce sont les personnages qui gravitent autour d’elle, ce qu’en fait le réalisateur qui me dérange.
Je retiendrai tout simplement les effets numériques réussis du (ou des) lion(s).
Je terminerai par cette critique datée de 1983, un journaliste écrivait ceci : « Le réalisateur réduit les échanges psychologiques » ; il parlait de John Carpenter pour « The Thing ».
C’était le cas avec Steven Spielberg pour « Les Dents de la Mer ».
Je préfère voir un film d’horreur classique qu’un film d’horreur alourdi de propos psychologiques à deux balles pour soi-disant faire plus réaliste.
Le vrai classicisme a parfois du bon.
Baltasar Kormàkur devrait s’en inspirer ou à défaut, avoir plus d’inspiration.