Film français… Pitch évoquant des intrigues de famille et d’amour… Reconstitution historique… Moi d’habitude, cette équation, elle me fait fuir… Mais bon, après (vagues) conseils d’amis, j’y suis allé. Et j’avoue que bien m’en a pris parce que j’ai aimé… Et je pense que j’ai aimé parce que – justement – toutes les habitudes que j’exècre généralement dans le cinéma français ne sont ici pas présentes dans ce film. Ce n’est pas verbeux. Ce n’est pas moraliste. Ce n’est pas linéaire. Ce n’est pas morne formellement… Bref, il y a du cinéma dans ce film, et surtout il y a du cœur, de la sobriété et de la subtilité. Moi j’aime bien ces films qui ne cherchent pas à me marteler une émotion ou une morale à coup du burin. Ce film, il m’a présenté des personnages à fleur de peau certes, mais des personnages qui s’efforcent modestement de reprendre une vie normale ; des personnages qui s’efforcent de retrouver une forme de paix ; des personnages qui cherchent pour eux le fameux « cessez-le-feu »… Or, pour moi, c’est clairement sur ce jeu délicat de la photographie, des cadres propres et sobres, du jeu tout en finesse de la plupart des acteurs que tout le mérite de ce film se joue… D’ailleurs, je ne connaissais pas particulièrement Céline Sallette, Maryvonne Schiltz, Julie-Marie Parmentier, ou bien encore Grégory Gadebois (magnifique) avant ce film, mais pour le coup, je les ai trouvé vraiment au diapason du ton général fixé par le film (…bon, à part Mathilde Courcol-Rozès – sûrement une pistonnée issue de la famille du réalisateur au vu de son nom – que j’ai trouvé vraiment gauche… Mais bon, on la voit que très peu donc ça ne pas dérangé plus que cela). Jamais aucun d’entre eux ne part dans des effusions émotives, et finalement, jamais aucun ne parle directement de la guerre. Ce qu’ils en disent, ils le disent au travers de ces fêlures qu’ils révèlent et qu’ils cherchent tous à résorber, chacun de leur façon… Tous, à une exception près. Et ce qui est dommage c’est que cette exception n’est pas des moindres puisqu’il s’agit du personnage de Romain Duris. C’est bête, mais pour le coup je ne le trouve pas trop dans le ton du film celui-là. Il est un peu trop maniéré dans son phrasé ; toujours à chercher l’effet chic et choc dans chacune de ses prises de parole. Certes, lui aussi il s’efforce d’être sobre, mais cela ne se traduit que par un visage figé qui, lié à sa diction surfaite, créé un effet faux dont j’ai eu du mal à me détacher. Et le pire, c’est que ça marche d’autant moins lors de ces moments où le film se risque à quelques petites pointes de fragilité apparente chez les personnages (
notamment ce moment où le personnage de Duris, Georges, renvoie à la figure d’Hélène ce que fut pour lui la réalité de la guerre.
) Ces moments étaient pour moi indispensables, bien que très délicats à gérer étant donné le ton global très sobre du film. Et c’est là que selon moi, le film a échappé à quelque-chose de grand. A cause de Duris d’une part, qui n’a pas su trahir cette petite fragilité lors de ces moments là. Tout était trop contrôlé, trop joué, trop lisse. Ce n’était pas catastrophique certes, mais pour moi c’est clairement sur ce genre de détail qu’on parvient à capter un sentiment brut et subtil à la fois. Or, là, me concernant, ça n’a pas été le cas. Alors après, à sa décharge au pauvre Romain, je trouve que ce petit quelque-chose qui manque en termes d’élan se retrouve assez régulièrement dans le film. Dans la manière de gérer le récit par enchâssement par exemple. A plusieurs reprises, le film parvient à insérer de manière très pertinente des images du passé africain de Georges. La plupart du temps ce n’est pas brutal, c’est riche de sens, et c’est très signifiant sur l’état d’esprit du personnage au moment où cette insertion s’opère. Du coup, moi, ça m’a frustré que l’auteur ne joue pas davantage de cet outil là au début du film au lieu de nous faire toute une séquence bien longue en Afrique (Commencer directement avec le retour de Georges en France aurait été tellement meilleur à mes yeux, le personnage aurait encore plus mystérieux et les insertions auraient du coup être mieux réparties, plus entêtantes et plus signifiantes). De même, je suis frustré que sur la fin de l’histoire, pourtant très forte émotionnellement, le film
oublie ces images de l’Afrique au pouvoir narratif pourtant si fort
. D’ailleurs, c’est tout bête, mais je trouve que ce léger petit pic de fragilité émotionnelle que ce film sait parfois apporter avec beaucoup de justesse (
La mort de Marcel et son enterrement : pour moi c’était juste parfait en termes d’équilibre. Ni trop ni trop peu. Elan contenu mais élan quand même. Formidable.
) ; ce petit pic, le film aurait pu par contre bien mieux en jouer s’il avait eu à disposition une bande originale plus riche sur sa manière d’appuyer certaines scènes, ou plutôt certains « moments ». Autant parfois la musique est impeccable de sobriété. Autant, à d’autres « moments », il aurait été nécessaire que la musique face ce travail d’élan émotionnel. C’est bête, mais moi, quand je suis ressorti de ce film, j’avais beau être ému, je n’arrivais pas à m’en remémorer les bons moments sans les associer à une musique à la Max Richter. Ralalah, c’est quand même dommage tout ça ! Avec un autre acteur que Duris et un Max Richter à la B.O., ce film aurait vraiment pu être un trésor de subtilité et de justesse… Mais bon, après ça ne retire rien au fait que ce film, globalement, je l’ai trouvé, efficace, beau, et – oui – quand même juste dans son ensemble. Un beau travail au final ; d’autant plus appréciable au sein du cinéma français d’aujourd’hui. Donc oui, si l’occasion vous est donné de le voir et qu’il vous tente ce « Cessez-le-feu », je ne peux que vous conseiller de vous y risquer…