Il est vrai, dans une certaine mesure, que Le Dernier Empereur ne ressemble pas à un Bertolucci. Certes, on sent toujours par intermittence la concupiscence de son cinéma à l'érotisme incontrôlé, mais beaucoup plus rarement les égarements de ses personnages et encore moins la violence existentielle d'un Novecento. Tout s'est perdu dans un polissage navrant, qui fait perdre au film une partie de la force qu'il semblait pouvoir développer. Car oui, la moulinette des Oscars est passé par là, et le calibrage a payé, ramassant 9 statuettes au passage. Mais que sont les oscars, sinon un gage d'académisme très rarement contredit ? Alors oui, Bertolucci déploie encore des plans épurés mais d'une grande richesse, mais la forme ne suffit pas à compenser éternellement la frilosité des séquences qui défilent. Comme trop de grands biopics historiques, Le Dernier Empereur s'appuie énormément sur l'assurance que les scénaristes ont en la puissance du matériau de base, dont ils sont persuadés qu'elle suffira à faire tourner la machine sans chercher à le sublimer en prenant le risque de perdre une partie de public en cours de route. Pour le coup, il est vrai que l'histoire de ce dernier souverain chinois est assez stupéfiante, mais ce traitement faussement dramatique si souvent utilisé dans le genre finit par banaliser et uniformiser les récits denses et amples qu'il illustre. Comme si le fond, l'histoire, devenait l'habillage d'un modèle identique. Peut-être que les producteurs marchent sur la tête, peut-être que je me fais des idées ; quoi qu'il en soit, j'ai trop de fois ressenti la même chose devant un film du genre (pourtant, Dieu sait que j'aime l'Histoire) : c'est-à-dire pas assez. Au-delà de cette confiance paresseuse en leur récit, les biopics ont un autre défaut, qui celui-là m'est pour le coup tout à fait personnel et auquel il n'y a aucun remède : ce sont des films, et comme tout art du récit, la frontière entre fiction et authenticité au cinéma peut se franchir aussi rapidement qu'habilement. Oui dit comme ça c'est bête, mais il n'empêche que je suis incapable de savoir dans quel mesure on cherche à enjoliver l'histoire et dans quelle mesure elle s'est réellement passée, et ce même quand le biopic se veut fidèle. Une situation que je trouve inconfortable, qui n'est en rien à imputer au Dernier Empereur ni à tous ses prédécesseurs, mais qui explique elle-aussi ma relative frilosité vis à vis du film. J'ai aussi par séquences eu du mal à saisir les enjeux politiques, qui m'étaient quelquefois inconnus, et ce nouveau commentaire personnel, sans aucune valeur analytique, fait définitivement de ce paragraphe un avis bien plus qu'une critique digne de ce nom. Un dernier point toutefois, où le reproche que j'ai à faire me semble bien plus acceptable par tous : le choix d'une VO en anglais et non en mandarin. D'une, l'authenticité en prend un coup (un comble pour un récit sensé s'ancrer dans le réel), de deux les acteurs - par ailleurs excellents - sont légèrement pénalisés puisqu'ils doivent s'adresser en majorité à des occidentaux dans une langue qui n'est pas toujours leur langue maternelle. Néanmoins, si emportée par la fougue de ma jeunesse, ma plume se fait virulente, il serait malheureux d'oublier que Le Dernier Empereur reste un récit bien mené et de base très intéressant, seulement trop académique et trop peu pimenté pour m'inclure dans le cercle très large de ceux qui l'admirent. Je comprend l'engouement ; je ne le partage pas.