De Tim Burton, tout le monde connaît son amour pour la magie, l’imaginaire, le romantisme et une certaine forme de féérie, d’ordinaire à tendance gothique. Mais il faut aussi reconnaître au cinéaste un réel talent de dramaturge, de grand enfant conscient des aléas de l’existence. Big Fish, sans doute l’un de ses films les plus curieux, est de ces œuvres qui bouleverse tendrement, qui font se rejoindre tristesse et émerveillement, mélancolie pure et joie enfantine. Si, à mon goût, le film manque parfois de mordant, manque en certaines occasions d’une ligne directrice claire et précise, dans son ensemble, Big Fish est un petit enchantement, une fable philosophique ni trop lourde ni trop légère. Est-il donc possible de concilier la réalité à l’imagination? Ce père mourant, grand narrateur de sa propre vie, cumulation de récits burlesques, improbables, est-il seulement le grand enfant qu’il a toujours donné l’impression d’être?
Tim Burton, plutôt inspiré, s’emploie à lier la cruauté de l’existence normalisée à une superposition d’histoires fantastiques. Le vieil homme, dont le fils refuse d’admettre la part de rationalité, aura enchaîné les rencontres, de drôles de personnages à des individus qu’il rattache à sa drôle de vie. Est-ce de la pure fiction, les paroles d’un mythomane invétéré? Peut-être est-ce plutôt un détournement de la vérité, cette personne avenante, monument de sympathie, donnant un sens à son existence en l’illustrant de belles aventures, se rassurant en rêvant tout haut, tentant d’amoindrir toutes ses souffrances en reléguant celles-ci derrière sa part, plus forte, d’imaginaire. La question est posée et demande un certaine part d’investissement de la part du public.
Coté mise en scène, si le réalisateur délaisse son univers gothique traditionnel, il n’en reste pas moins un plasticien, un créateur fantasque polyvalent. D’une carte postale de la campagne du sud des Etats-Unis, Tim Burton en tire une belle vitrine pour l’univers rural, monde du tout est possible. Costumes impeccables, effets visuels suffisamment désuets pour être touchants et acteurs sincèrement à leurs places, tout est là pour rendre honneur à la démarche du cinéaste. A ce propos, Ewan McGregor, sans doute là dans son meilleur rôle, enfin après Trainspotting, endosse le costume d’un personnage charismatique, attachant. L’acteur croise sur son chemin un Steve Buscemi toujours parfait, un Danny DeVito en pleine forme, dont le secret, lorsqu’il est révélé, est croustillant, ou encore une Helena Bonham Carter parfaitement dans le coup. Les présences de Marion Cotillard, Billy Crudup et Jessica Lange sont quant à elles plus anecdotiques, malgré leurs importances dans la narration.
Assorti d’une bande sonore signée Danny Elfman, ce n’est pas une surprise, auréolé d’un succès critique indiscutable, Big Fish semble s’inscrire parmi les tous meilleurs films de ce drôle de cinéaste qu’est Burton. Autant le film est touchant, sensible, pourtant, celui-ci ne m’aura pas séduit jusqu’au bout, la faute peut-être à une narration dispersée, un fort décalage entre les séquences du présent et celles du passé fantasque. Mais j’admets volontiers que le public puisse tomber amoureux de ce type de film, indépendant d’esprit, créatif et totalement assumé. 14/20