Il y a un géant, il y a une sorcière, un loup-garou et une sirène, deux sœurs siamoises aussi. Il y a, surtout, la propension d’un homme à enchanter la médiocrité de l’existence en s’attachant à transformer chaque étape de sa vie en réseau fabuleux peuplé de tout un bestiaire qui, dans l’imaginaire collectif, y est associé. Burton nous rappelle que le monde humain n’est qu’une vaste fête foraine où chacun campe un rôle en fonction de son anomalie devenue entre-temps dotation extraordinaire ; et, se faisant, le cinéaste prouve que chaque être, quel qu’il soit, dispose d’un fond magique dont il se fait plus souvent la dupe. La partition de Danny Elfman, parmi ses plus grandes, souffle une bulle musicale autant virevoltante que champêtre, comme venue d’un autre temps. Cet autre temps, c’est celui de l’imagination et des trésors qu’elle dissémine dans la réalité ainsi travestie ; cet autre temps, c’est celui que le fils rejette en bloc au nom d’un rationalisme constant. Le père et le fils agissent en pôles opposés entre lesquels oscille la femme, qu’elle soit jeune fille, femme ou mère de famille, la femme qui semble constituer le sexe capable de poésie et d’écoute, formée à ce grand mystère qu’est l’enfantement. Chaque scène bouleverse, émeut au plus profond de notre sensibilité, touche un je-ne-sais-quoi d’enfoui là-dedans qui, après avoir éclos successivement, s’assemble enfin lors d’une clausule absolument admirable. Big Fish sublime le droit à la rêverie qui incombe à tout être humain, cet être fini capable d’infini ; il est, à ce titre, un chef-d’œuvre, littéralement, une œuvre de tête qui anime tout le reste du corps et diffuse un bien-être teinté de mélancolie qui jamais ne s’arrête.