Je suis incapable de comprendre par quel tour de passe-passe cet animal de Borat parvient encore aujourd’hui à mystifier ses victimes. Cela fait certes quatorze ans qu’il s’était “fait l’Amérique” une première fois mais tout de même…! Les personnalités publiques, d’accord, ça tombe sous le sens qu’elles n’ont pas participé de leur plein gré à leur propre mise en boîte mais j’ai vraiment du mal à accepter que les gens ordinaires qui ont participé à la mascarade, comme le type qui vend sans sourciller une cage pour que Borat puisse y loger sa fille ou les obsédés de la théorie du complot Qanon convaincus qu’ Hillary Clinton boit le sang des enfants pour se filer des shoots d’adrénaline, soient de simples pigeons et pas des complices. Ou alors, c’est que les Américains moyens sont, au choix, très placides ou très professionnels (voire même très cons). De toute façon, l’objectif du trublion est accompli, avec ou sans complices : commenter l’Amérique trumpienne de 2020, ou plutôt laisser l’Amérique se commenter elle-même, ce qui est sans doute pire. Le prétexte invoqué est cette fois d’offrir d’abord un singe connu au Kazakhstan pour ses prestations pornographiques, puis sa propre fille nubile, à Mike Pence pour s’attirer les bonnes grâces du président Trump. Bien saisir tous l’aspect délirant des actions et déclarations de Borat nécessite une connaissance relativement pointue de la politique américaine et des petites phrases dont leur président a abreuvé le monde depuis quatre ans. Dans le cas contraire, il reste toujours le don de Sacha Baron Cohen d’aller toujours un cran plus loin que ce dont on le pensait capable, et c’est sans doute déjà suffisant, vu le nombre de séquences extrêmes, à déconseiller aux âmes sensibles, qu’il propose encore une fois. Entrer dans une synagogue déguisé en juif tel qu’il se les imagine (donc, avec des doigts griffus, des ailes de chauve-souris et de l’argent plein les mains) ou se livrer à une danse de la fertilité célébrant les menstruations de sa fille devant les participants atterrés d’un bal des débutantes ne sont que quelques unes des moment les plus délectables du documenteur. Forcément, on est moins surpris que lors des premiers Impersonator de Baron Cohen, les mises en scène rament parfois sévère pour tenir debout et sa série ‘Who’s America’ était à la fois plus variée et plus pertinente puisqu’elle dépendait moins d’une pseudo-trame à suivre. Il n’empêche que malgré un résultat nettement inférieur à ses précédentes tentatives, sous couvert d’un humour crade et extrême comme on n’en rencontre pratiquement plus, , ‘Borat’ fonctionne comme un authentique révélateur de la face la plus sombre de l’humanité, bien plus que n’importe quel documentaire, même si on a un peu trop souvent du mal à croire à l’aspect “spontané” de la mystification pour que l’ensemble fonctionne parfaitement.