Un très bon film sur la création et l’obsession artistique. J’ai beaucoup aimé le personnage de Raphaël Personnaz, joué subtilement, touchant dans sa maladresse et son insatisfaction quasi constante, toute comme
dans sa raideur face aux femmes
. L’ouverture m’a tout de suite emportée avec les interprétations très diverses du Boléro à travers le monde en guise de générique, après une scène d’entrée également prenante. Il faut attendre longtemps après cette séquence, plus d’une heure de film, pour entendre naître les premières notes du Boléro grâce à
l’intervention de la domestique de Ravel
. Cette attente, au lieu de m’ennuyer, m’a beaucoup plu, m’a maintenue dans l’attention et la hâte de voir comment Ravel allait se dépêtrer en voyant la fin du délai arriver à grands pas. Cela me rappelle ce fameux texte de Rainer Maria Rilke dans Les Cahiers de Malte Laurids Brigge, « Pour écrire un seul vers », qui pourrait ici se rapporter à Ravel : « Pour écrire une seule note, il faut… » (voir le texte en entier qui illustre à merveille le processus de création artistique).
Puis c’est l’accouchement (comme dirait toujours Rilke), le Boléro vient au monde, commence à nous envoûter quasiment jusqu’à la fin, même dans les scènes de silence et de stérilité, nombreuses – chose que j’ai également appréciée dans le film : on prend le temps, certains pourraient parler de longueur, pour ma part, j’ai trouvé que cela illustrait très bien le processus de création. Le Boléro retentit dans son crescendo entrecoupé de quelques silences, musique qualifiée de charnelle ; pour ma part, ce qu’elle m’a évoqué, c’est l’obsession, le perfectionnisme, cette lutte interne chez Ravel, cette rage contenue.
Les femmes ici semblent des symboles sensuels, bien que Misia Sert (Doria Tillier) apparaisse aussi comme une personnalité libre et subtile. Mais Ida Rubinstein (Jeanne Balibar) est juste terrible dans son désir d’art charnel.
J’ai retenu 0,5 point à cause de quelques scènes dans les souvenirs de Ravel qui ne m’ont pas semblé servir beaucoup le propos, et pour la fin assez ambiguë, qui se pourrait être intéressante, mais qui m’a un peu déconnectée de l’univers général et que j’ai trouvé un peu artificielle. Même si évidemment, elle peut symboliser l’universalité et l’intemporalité de l’œuvre.
Il était bon que, dans la bouche même du personnage de Ravel, soit mentionné le fait qu’il n’y en ait que pour le Boléro. Moi-même, je m’avoue inculte sur le reste de son œuvre. Mais ce film va sans doute élargir ma curiosité !
Amateurs de musique et du drame de la création et de l’artiste, n’hésitez pas à aller le voir. Vous en ressortirez avec une mélodie entêtante (je ne l’ai pas dans la tête : je l’entends dans ma tête), peut-être que vous ne la supporterez plus, tout comme Ravel. Mais peut-être qu’en prenant un peu de recul, un peu plus tard, vous direz, comme lui dans une des dernières scènes :
« C’était pas mal. »