La comédie politique est un genre qui n’a été abordé en France que de façon timide, on se souvient de l’OVNI que représentait à l’époque « La Conquête » qui mettait en scène Nicolas Sarkozy sous les traits de Denis Podalydes. Dans « Président », c’est Jean Dujardin qui incarne Nicolas Sarkozy et je dois avouer, à ma grande surprise, que le résultat est assez bluffant. Sans jamais le singer, sans jamais en faire une caricature, il campe un Nicolas Sarkozy ma foi assez ressemblant (même physiquement), presque attachant (j’ai dis presque !). Il fait penser à un ours en cage, qui passe ses nerfs sur l’aspirateur ou sur un vélo, semblant avoir toujours 100 idées à la minutes et plus personne à convaincre. On sent l’animal politique qui ne dort que d’un œil, sa composition est tout à fait étonnante. Il donne la réplique à un Grégory Gadebois qui n’est pas en reste. Sur le papier, on se dit que le personnage de François Hollande est peut-être moins difficile à incarner que son prédécesseur, plus rond, plus tempéré, plus charmeur aussi peut-être. En fait, Gadebois donne corps à un François Hollande
qui dissimule sous une apparente bonhommie un homme blessé. Si Sarkozy s’ennuie, Hollande, lui n’a pas cicatrisé, sa blessure encore à vif (qui a un nom qu’il ne faut pas trop prononcer) le lance encore et lui aussi, est un animal politique qui ne dort que d’un œil, mais à cause de la douleur.
La rencontre entre les deux adversaires d’hier fait des étincelles, forcément, on n’oublie pas facilement les antagonismes de toute une vie politique ! C’est à une joute oratoire de très bonne qualité à laquelle on assiste avec gourmandise, les vacheries sont lancées mine de rien, elles font mouche 9 fois sur 10 ! Les deux comédiens, indissociables dans la qualité de l’interprétation, sont l’atout n°1 du film, et de loin. Il ne faudrait pas oublier les seconds rôles : Pascale Arbillot en vétérinaire amoureuse, les deux pieds bien ancré dans la terre corrézienne, et Dora Tillier en soprano, artiste mi-bohème, mi- bling bling, qui partage la vie d’un Nicolas Sarkozy visiblement peu amateur d’Opéra. Je m’en voudrais de ne pas citer Jean-Charles Clichet, le garde du corps de Sarkozy, un philosophe coincé dans le corps d’un amateur de sport de combat dont chacune des réparties est un régal. On en vient à trouver presque dommage qu’il reste dans l’ombre et qu’il n’ait pas plus de temps de parole ! Anne Fontaine nous offre, au-delà d’une performance d’acteur, un film maîtrisé et jamais ennuyeux. C’est en grande partie grâce à la qualité de ses dialogues, et à un humour très français, qui est celui de la répartie et du sous-entendu. Filmé dans des paysages corréziens absolument charmants, sous une lumière naturelle qui rend très bien à l’écran, son film est techniquement maîtrisé. Elle a pris un grand soin à ne pas tomber dans la parodie, dans la caricature, dans l’outrance. Elle filme les deux anciens Présidents avec une sorte de respect muet à la fois pour leur personne et pour leur fonction. Du coup, la Politique, avec un P majuscule, ne sort pas étrillé de son film. C’est un peu ce que je craignais avant de voir « Présidents », et c’est un écueil parfaitement évité. En revanche, si on ne peut pas reprocher au scénario de n’être ni orignal, ni audacieux (et dans le cinéma français, c’est déjà beaucoup !), on peut quand même trouver qu’il tourne un petit peu à vide. On passe une bonne partie du film à se demander où donc veut en venir Anne Fontaine avec son film ! Qu’est ce qu’elle veut montrer, prouver, ou même exprimer avec cette histoire de double candidature ? Parce qu’il faut bien le reconnaitre, dans cette histoire de ticket pour la Présidentielle, il est question d’ego, de revanche politique, de charisme, mais il n’est quasiment jamais question d’idées ! Je peux comprendre pourquoi sur le papier : allez mettre d’accord François Hollande et Nicolas Sarkozy sur un programme commun sans que cela paraisse improbable, surréaliste ou délirant… Du coup, elle met sous le tapis toutes ces histoires encombrantes de valeurs, se convictions, de Droite et de Gauche pour ne garder que l’écume des choses : les Hommes et leur personnalités. C’est quand même un peu léger pour un film qui se veut une comédie politique, de ne précisément jamais parler réellement de politique ! Au final, même si j’ai bien ris devant « Présidents », même si j’ai apprécié à leur juste valeur les performances de Gregory Gadebois et Jean Dujardin, même si à aucun moment je ne me suis ennuyée, même si j’aurais plaisir à revoir un jour ce film une deuxième fois, il me reste quand même en bouche un gout d’inachevé. Faute d’avoir compris clairement où le film était censé m’amener, j’ai eu l’impression d’une machine super impressionnante à première vue, avec de beaux engrenages bien rutilants, mais qui tourne dans le vide. Faire un film sur la politique sans jamais parler politique, un film qui reste assez consensuel pour plaire à Droite et à Gauche, je trouve cela assez timide. Sans forcément réclamer un cynisme échevelé, on aurait pu imaginer un scenario qui pousse plus loin, juste un peu plus loin, le curseur de l’audace.