Loin d’exister dans le cœur et l’esprit du public, la science-fiction française pourrait gagner un peu plus de terrain dans un avenir proche. Ce même avenir où Romain Quirot nous promet la chute de l’humanité, dont la régression justifie la fuite de son dernier espoir. Sans fondamentalement se laisser emporter par les inspirations du fan du genre qu’il est, le réalisateur prolonge le succès de son court, à coup d’ambiance techno-pop et dans un cadre familier et unique à la fois. Nous sommes pourtant de notre côté de l’Atlantique, face à l’audace de ceux qui ont pu élever ce projet jusqu’à son prototype le plus réconfortant. De cette manière, une voix s’affirme et une personnalité s’en dégage. La quête vers la raison et l’horizon appelle à l’onirisme là où on ne l’attendait pas, mais là où nous devions le découvrir, sur le grand écran.
L’apocalypse est en vue et elle rêve d’accomplir sa destinée en arrachant les derniers vestiges d’une Terre, fracturée jusque dans l’esprit de ceux qui subsistent et qui s’attachent à leur relique. Le tout est d’identifier et de comprendre la nature de cette dernière, notamment chez le spationaute Paul W.R. (Hugo Becker), qui s’émancipe de force de toute la sève émotionnelle qui l’a longtemps bercé. Son voyage l’emmène loin de la vie et pourtant, les bonnes rencontres se forgent tout comme les bonnes retrouvailles. La jeune Elma (Lya Oussadit-Lessert), adroite pour manier le langage, mieux que ses aînés, finit par apprivoiser celui qui dérive de sa mission. La justesse de ce personnage en fait le point fort de cet élan surréaliste. Et le plus séduisant dans tout cela, c’est que le cinéaste aime composer son œuvre comme un bricoleur façonnerait sa première maison. Tout y est, tout est à sa place, mais il reste de la marge pour affiner la face cachée du mélodrame.
La faute du manque de recul et d’expérience selon nous et il n’y a pas de raisons de l’esquiver. Quelques raccourcis scénaristiques, des dialogues passablement adaptés à l’image et autres caractérisations faiblardes de personnages prennent souvent le pas sur la sincérité du récit. Pourtant, il n’y a pas lieu de bouder notre plaisir d'accompagner l’effort, qu’il soit honorable, maladroit ou parfaitement maîtrisé. Une scène de pugilat, où Eddy Mitchel s’invite est un encouragement de taille, dès lors qu’il sert magnifiquement une mise en scène jubilatoire. D’un genre à l’autre, du western à l’invocation du méta, c’est au cinéma que tout se joue et que les enjeux renouent les spectateurs avec des personnages attachants, quand bien même ils souffrent de la mélancolie qu’ils cultivent. Elliot (Paul Hamy) est donc le fardeau d’une intrigue qui nécessite son ivresse, afin d’appuyer un peu plus sur la corde du deuil non résolu et qui détermine toute la fragilité émotionnelle de ceux qui n’entendent que la détresse et les malheurs d’autrui. Le héros trouve en lui une véritable force, une sensibilité, à porter la charge d’une planète condamner par ses excès, qu’il confond avec curiosité.
Finalement, la générosité des références qui ornent l’essai lyrique tient autant de la littérature, avec notamment Saint-Exupéry, Verne, Hergé et les comics Métal Hurlant, que du cinéma, également à redécouvrir. Sans oublier une playlist explosive, mais peu nuancée. « Le Dernier Voyage » constitue davantage un petit pas pour un Quirot, qui rêve d’un plus grand pour la science-fiction française. Avec les moyens et l’astuce de rendre sa partition ludique, il convient de replacer cet argument aux côtés d’un « Blood Machines », tout aussi rigoureux et inventif dans son mashup cosmique. Jean Reno et Philippe Katerine, ayant proposé le meilleur d’eux-mêmes confirme les bonnes intentions et peut-être une nouvelle complicité entre le cinéma français et un genre qui n’appartient plus qu’à Hollywood.