"Battle Royale" est un divertissement choc, multipliant les effets gores et les séquences d'auto-dérision, en ne flanchant presque jamais dans le propos. Sans transition, violent à l'extréme, et illustrant parfaitement le régime totalitaire du pays, le film marque un grand coup dans l'histoire du cinéma asiatique en proposant une lecture brillante et originale, souvent trash et politiquement incorrecte, où l'on est constamment happés par la mise en scéne dérangeante. Dans ce fourre-tout cadavérique, où les morts s'enchainent au coeur d'une intrigue frénétique, on décéle un message néanmoins difficile à cerner aux premiers abords. En effet, derrière l'hécatombe générale, Kenji Fukasaku tente de convaincre son public que tout cela n'est pas vaint, qu'il y a une morale à en tirer, mais est confronté à la difficulté de faire ressortir l'essentiel dans le contexte morbide qui l'inspire. En outre, cette histoire jonchée de meurtres de sang froid, d'éléctrisantes confrontations et de dialogues déroutants, s'enlise parfois dans la surenchére et manque de subtilité pour éclaircir trés distinctement la cible voulue de l'oeuvre. Organisée dans le but de faire d'adolescents detestant l'école des machines de guerre prêtes à tout pour prouver qu'ils peuvent en ressortir matures et prêts à se confronter au monde adulte, la Battle Royale perd malheureusement de son sens caché au profit d'affrontements sanglants sans réel impact emotionnel. Tatsua Fujiwara et Aki Maeda forment un duo complice, convoitant la victoire tout en envisageant férocement la défaite, sur une île propice à l'horreur. La photographie posséde un aspect sombre et brouillon, mais permet à l'oeuvre de gagner en intensité. Musicalement, "Battle Royale" s'en sort à merveille, entre ses mélodieuses compositions bouleversantes, qui nous détournent de cette tombe mélancoliquement, contrastant équitablement avec les partitions survoltées au classissisme imparable, mettant en relief la fureur de nos jeunes participants. Finalement, le point noir essentiel de ce film bougrement stylisé, c'est son scénario. On se perd parfois dans le non-sens de certains choix. Le film se contredit de lui-même, au sens où l'on intégre à cette mutinerie deux "habitués" de la Battle Royale qui sont là dans le seul but d'accomplir des meurtres barbares et sauvages, sans conscience, sans autre préoccupation que tuer simplement. Ce qui, à l'évidence, renvoie mal au message du film : faire des gagnants des hommes saints. Mais ne boudons pas notre plaisir. On pourrait penser que tout n'est voué qu'à provoquer un effet morbide généralisé et catalyseur, mais cela va au delà. On est pris par l'intensité du long métrage, cherchant à savoir qui mourra, de quelle maniére, comment se présentera la révolte. Alors que certains se contraignent au principe en tuant furieusement leurs camarades, malgré eux, d'autres organisent leur survie et demeurrent attentistes. Mais la régle, c'est la régle. Trois jours, pas un de plus. Si, à l'issue de ce compte à rebours, aucun survivant n'est décrêté, ils mourront tous. La fin surprend quelque peu, manque de lucidité et d'ampleur thérapeutique, mais conforte le public dans son engagement. Une fresque unique, incontournable et provocatrice. Une réussite.