Lauréat du Grand Prix du festival de Gerardmer 2022, Ego a de quoi faire plaisir aux amateurs du genre horrifique, malgré son histoire très simple et aux lointains airs de déjà-vu. Ego compte d'abord sur sa bestiole, et de ce côté-ci, c'est carton-plein. Faite à l'ancienne (comprenez "à la main", et non pas par les soins d'un ordinateur), évolutive (vous aurez plusieurs occasions d'être écœuré différemment), avec un premier design qui est notre préféré (on l'a trouvé dérangeant à souhait, avec
ses grands yeux qui vous sondent, ses grands doigts crochus aux phalanges proéminentes, son bec émaillé de dents arrachées, ses plumes maladives...
tout ce qu'on aime), et surtout avec quelques scènes d'épouvante bien construites. On repense à cette scène où
la fillette dort dans son lit, et où l'on voit dans le reflet du miroir la créature ramper à ses pieds en gémissant,
un petit moment malsain juste ce qu'il faut. Bien évidemment, l'intrigue de l'enfant qui s'entiche d'une créature qui détruit tout autour d'elle mais qui la défend, on l'a vu un milliard de fois, de même qu'on a compris le twist final dès qu'on a vu l'aspect humanoïde de cet oisillon (mais cela n'enlève rien à l'intelligence de ce twist, c'est aussi la fin que l'on voulait voir). Mais là où Ego nous a surpris agréablement, c'est avec le personnage de la mère, atroce, qui force son enfant à persévérer dans la gymnastique acrobatique malgré son peu de talent (elle rate ses réceptions), qui la met en scène sur les réseaux sociaux, qui n'a aucune attention pour elle. On ne savait pas comment l'intrigue allait traiter son personnage lors du final, et l'on peut dire que l'on a été surpris :
quand elle assiste impuissante à la vampirisation de sa fille par la créature qui finit de se transformer en sosie parfait de cette dernière, on voit la mère lever les yeux vers ce nouveau sosie qui l'appelle "Maman"...et (pour notre part, en tout cas) on lit dans son regard "Et toi, tu sais les finir, les réceptions ?". Une pensée horrible nous a effleurée : le vrai monstre, c'est cette mère. Peut-être est-on parti en sur-interprétation d'après ce regard (il nous en faut peu), mais c'est cette fin qui nous plaît décidément le plus, avec ce petit doigt d'honneur à la pauvre gamine totalement gratuit, inattendu, et terriblement cynique.
Si l'intrigue d'Ego n'a rien de novateur dans le fond, qu'il tombe parfois dans le piège de la scène à sursaut un peu bébête (la facilité actuelle), il est loin de laisser tomber son spectateur, en proposant une créature faite main très bien finie, dont la première version nous a fasciné autant que dégoûté, en n'étant pas avare en scènes malsaines (sans excès, juste ce qu'il faut), et en concluant son film de façon solide : avec un twist prévisible mais efficace, et surtout un doigt d'honneur ultra-cynique auquel on veut absolument croire.