"Come Play" démarre sur une jolie idée : nous faire vivre les premiers instants de son intrigue en seule compagnie de son jeune héros Oliver. À l'écran, hormis une créature surnaturelle qui cherche à interagir avec lui, rien ne différencie finalement Oliver des autres petits garçons de son âge dans son cheminement ou les émotions fortes qu'il ressent face aux phénomènes dont il est victime. Ce n'est que lorsque son environnement s'élargit au-delà de son unique perspective que l'on comprend enfin sa condition d'autiste le rendant incapable de s'exprimer verbalement. Que cela soit dans sa maison où résonnent les disputes de ses parents à son sujet, à l'école par la présence de sa propre auxiliaire scolaire et de camarades qui le chahutent ou encore lors de ses séances avec sa thérapeute, absolument tout ce qui entoure Oliver à l'extérieur le renvoie à sa propre différence et, de fait, l'enferme toujours un peu plus dans les affres de son mal. Pour s'évader, le petit garçon passe son temps à regarder son dessin animé favori sur son téléphone, appareil qui est d'ailleurs ironiquement son principal outil de communication avec son entourage. Mais c'est aussi grâce à celui-ci qu'un prédateur inattendu a remarqué Oliver, prêt à se servir du poids de sa solitude pour l'attirer dans ses griffes...
La genèse opportuniste de "Come Play" est plus effrayante en soi que son sujet. Encore une fois, des producteurs ont jugé bon d'étirer un sympathique court-métrage d'épouvante sur un format long faute d'avoir des idées plus originales à proposer. Le procédé n'est pas nouveau, surtout récemment ("Dans le Noir" ou "Polaroid" sont là pour en témoigner), et il est toujours synonyme d'un minimum de curiosité de la part du public -et donc de rentabilité- en misant sur la notoriété des courts originels sans pour autant en proposer des excroissances un tant soit peu mémorables, la plupart étant relativement médiocres. Ceci dit, malgré un déroulement des plus basiques qui ne surprendra pour ainsi dire jamais un spectateur habitué à ce genre d'offre, il faut reconnaître que Jacob Chase s'en sort un peu mieux que ses confrères aux manettes de la version longue de son "Larry" de 2017.
En plus du message d'utilité publique sur les pires prédateurs se servant des nouvelles technologies pour trouver leurs proies (le nom passe-partout de Larry que se donne la créature n'est pas un hasard), "Come Play" se sert de son habillage surnaturel pour développer un fond cohérent sur la question de l'autisme et la manière parfois maladroite que l'on a de l'appréhender, voire de l'amplifier indirectement, malgré les meilleures intentions du monde. Bien sûr, le film a tendance à grossir facilement le trait pour précipiter ses événements mais il dessine quelque chose de plutôt juste vis-à-vis des personnages des parents, une mère dépassée et un père préférant la fuite, qui, sans en avoir forcément conscience, poussent leur enfant dans les bras du monstre du solitude l'ayant pris pour cible (encore une fois, la concomitance entre la créature de plus en plus envahissante et une figure paternelle qui s'éloigne n'a rien d'aléatoire). Bref, même s'il n'est pas le plus subtil du monde à ce sujet, "Come Play" a au moins quelque chose de plus humain à raconter que d'autres machines à jumpscares sans âme, la belle note d'émotion sur laquelle le film nous laisse en est sans doute la meilleure preuve.
Côté trouillomètre, on ne peut pas dire que "Come Play" nous laissera un souvenir impérissable grâce à l'inventivité de ses ingrédients : Larry ressemble à un énième Slender Man (naturiste et bossu ici) et son mode de fonctionnement a beau être maîtrisé, il n'en demeure pas moins trop éprouvé pour créer de grandes surprises (enfin, le fait qu'il offre un e-book en supplément de ses agissements est un geste commercial plutôt sympa !). Cependant, Jacob Chase nous prouve qu'il en avait gardé sous la pédale à l'issue de son court-métrage et réussit à multiplier les idées de mise en scène pour mettre en valeur l'acharnement de sa créature sans tomber dans la répétition ! Les multiples attaques de Larry permettent ainsi au film d'offrir un lot de séquences d'épouvante assez variées et, surtout, de lui octroyer un rythme soutenu dans la montée en puissance de ses enjeux surnaturels. En clair, le terrain de jeu proposé par "Come Play" parvient à assurer le spectacle par son efficacité même si on en entrevoit assez vite les limites.
Sans doute trop générique dans ses contours pour s'imposer au-delà de son visionnage, "Come Play" fait au moins figure de divertissement honorable dans la liste grandissante des adaptations de courts-métrages d'épouvante à succès.