Le film a fait partie de la Sélection Officielle de Cannes 2020.
Suis-moi je te fuis forme un diptyque avec Fuis-moi je te suis. Le premier s'installe autour de la vie d'un homme, son regard sur les femmes, son prisme masculin, et le second y répond en inversant les choses.
Suis-moi je te fuis et Fuis-moi je te suis sont une adaptation du manga The Real Thing (Honki No Shirushi) de Mochiru Hoshisato. Le réalisateur l’avait lu vingt ans plus tôt et avait été marqué par la manière dont l’œuvre décrivait « la douleur et la tristesse qu'éprouvaient les femmes à force d'être perçues comme des abstractions ». En 2016, il finit par suggérer l’idée d’une adaptation à un producteur, Toyama Tsuyoshi.
Lorsque Kôji Fukada propose à Toyama Tsuyoshi d’adapter le manga de Mochiru Hoshisato, le producteur émet l’idée d’en faire une série. Le réalisateur accepte en raison de la densité du matériau d’origine. Qui plus est, Nagoya TV lui a laissé carte blanche pour le casting et le scénariste et lui a donné pour seule contrainte de faire dix épisodes. La série The Real Thing est diffusée au Japon entre octobre et décembre 2019. Le succès a été tel que la chaîne a demandé à Fukada de remonter la série pour l’exploiter en long-métrage. « J'ai accepté sans me rendre compte que réduire ces dix épisodes en deux films allait être une vraie gageure : maintenir l'intérêt du spectateur d'épisode en épisode n'a rien à voir avec la construction des longs-métrages. De même, conserver le tempo des épisodes devenait très répétitif au cinéma. Je n'ai quasiment pas supprimé d'événements de la série, mais les ai réaménagés. La plus grande difficulté ayant malgré tout été de reconstruire un univers sonore adapté à l'attention du public de cinéma, très différente de celle d'un public de télévision. »
Avec le mouvement #MeToo, des voix féminines ont enfin pu se faire entendre. Cela entrait en résonance avec l’intention du réalisateur : « une femme qui mène un homme par le bout du nez est un prisme très masculin : quand un homme fait la même chose à une femme, lui en revanche a le beau rôle, celui du "playboy". » Si le personnage d’Ukiyo fait tourner la tête des hommes de son entourage, elle est pourtant l’antithèse de la femme fatale : « Jusqu'au bout, elle doit s'épuiser pour des hommes qui ne cherchent jamais autant à la comprendre qu'elle ne les a compris, se montrant même bienveillante avec leur lâcheté, leur désir, leur souffrance et leur ignorance. » Il espère avec ces deux films pousser le spectateur à s’interroger sur les stéréotypes de genre : « le sujet profond ici est la place des femmes dans un monde d'hommes, comment elles peuvent en être blessées mais aussi comment certaines arrivent à prendre leur situation en main, à exister par-delà les stéréotypes de genre. »