Ce second volet confirme le format diptyque des deux épisodes, étroitement liés et qui souffre de sa structure sérielle, remodelée pour le grand écran. Kôji Fukada reprend donc là où il nous a laissé, sans temps mort, où le destin des personnages semble fuir ce fantasme dont on pouvait aspirer dans une première partie pleine de poésie et de réflexion. L’amour a ses failles et c’est de cette manière que le cinéaste continue à capter la détresse d’un homme et une femme, qui s’éloignent sans cesse afin de mieux se retrouver. Il n’est pas toujours évident de relancer cette machine, avec des enjeux qui grimpait à son sommet. Mais que l’on ne s’y trompe pas. Le jeu de séduction symétrique n’est pas équivalent dans la durée, mais dans ses nombreuses formes qui se diversifient dans les derniers instants. C’est un poil trop tard pour prétendre faire converser deux films, qui ne font que regarder dans le même sens depuis le début.
Tsuji (Win Morisaki) vit dans une garçonnière au crochet de trois femmes, à différentes étapes de leur vie. L’âge ne compte plus et il faudra déterrer une bonne poignée de secrets avant de se prononcer sur la trajectoire de cet idéal masculin, qui existe pour protéger sa dulcinée. Ukiyo (Kaho Tsuchimura) est-elle l’une d’elles ou bien la seule pour qui il doit entièrement se dévouer ? C’est toujours la même question, dont la réponse sera évoquée dans un équilibre sincère en bout de course. Avant cela, c’est en territoire connu que le duo évolue, à la manière d’une provocation, suivie d’une excuse. Le schéma se répète avec insistance, malgré la portée symbolique de Ukiyo. Elle influence plus qu’elle ne le souhaite sur son entourage masculin, tantôt toxique, tantôt possessif. C’est dans l’ambiguïté entre la pitié et l’amour que le récit fascine, mais aussitôt la mèche allumée, une autre s’ajoute au paquet de feux d’artifices qui se prépare.
Ce que l’on pouvait préalablement toucher, avec sensibilité, devient une affaire de redite, qui a tout pour plaire. Dommage que ce ne soit rectifier que dans la dernière demi-heure, qui prend du recul sur le rodéo sentimental qui a finalement poussé Tsuji à la fuite. C’est au tour de Ukiyo de prendre la place qu’elle mérite, dans un monde dont elle a tout à découvrir. Son élan, plein de maladresse séduit toujours, mais son entêtement reste fidèle au rôle qu’on lui associe, que ce soit au foyer ou au crochet d’un amant. Sa présence n’est ni salvatrice, ni réconfortante dans la mesure où elle émiette ses doutes dans le mauvais timing. On en veut pour preuve qu’elle ne sache pas qui elle est, car cette dernière ne parvient pas à se définir seule, mais uniquement à travers le regard d’un homme, qui la convoite ou qui la protège.
« Fuis-moi je te suis » pourrait être une réponse à « Suis-moi je te fuis », mais la vérité est qu’il n’est que le prolongement d’une lecture qui s’éternise dans son cœur battant, où le jeune homme n’est pas à plaindre, bien au contraire. Les deux derniers chapitres qui composent l’intrigue constituent un retour de bâton inévitable pour le bienfaiteur et le spectateur qui croyait avoir toutes les cartes en main. Hélas, à ce jeu, Fukada répond par le désir, allié à une solitude encore plus forte. Cette dernière exploration campe toutefois sur la passivité d’une héroïne, pourtant insaisissable. En l’armant de ses plus grandes contradictions, il cherche ainsi à nous convaincre que la mélancolie qui la consume est la même qui anime son désir de chute dans le vide. Certains pourraient cependant ne pas la reconnaître, étant donné toutes les couches de complexité que l’on a superficiellement superposer au personnage, qui manque de s’envoler, à défaut de s’éveiller.