En passant chez l'ancien colonisé, Hirokazu Kore-Eda n'a rien perdu de son style, si personnel, si ancré dans un quotidien toujours un peu borderline.....
A priori, tout sépare le cinéma de ce délicat scrutateur de la famille, de toutes les familles -bizarres, recomposées... de la violence, du dynamisme, de la noirceur des films coréens.
Et même si Les bonnes étoiles ont un petit côté thriller -il y a un meurtre, il y a une capitaine de police plus tenace qu'une bernique et quelques gangsters- c'est aussi le plus tendre, le plus émouvant des films de Kore-Eda.
Un jour, une très jeune femme, dans un Busan nocturne, sous une pluie battante, vient abandonner son enfant dans une "boite à bébés", spécialité coréenne.... Non: pas dans la boite. Devant. Pourquoi? Elle restera toujours mystérieuse cette jeune femme.
Mais dans l'orphelinat qui est censé recueillir les bébés abandonnés, il y a Sang-Hyeon, faux prêtre mais vrai crapule: propriétaire d'un pressing en faillite, largué par sa femme qui a emmené leur fille; il pense que s'il touche beaucoup d'argent il pourra récupérer sa famille, et pour toucher beaucoup d'argent, il suffit de vendre un joli bébé à un couple en manque... Il parait que ce genre de trafic marche très bien au Pays des Matins Calmes. On a vu Song Kang-Ho dans Parasites et il a eu le prix d'interprétation masculine au dernier Festival de Cannes.
Avec lui il y a le jeune Dong-Soo (Dong-Won Gang), sans doute celui qui est le moins fouillé psychologiquement. On sait que lui même a été abandonné dans cet orphelinat; qu'il y a été heureux et qu'il y est éducateur. Et se verrait bien jouer au papa et à la maman pour de vrai avec la jolie So-Young.
Car elle est revenue, So-Young, la jeune maman (Ji-Eun Lee). Elle veut récupérer son bébé. Et, finalement, s'associer au duo pour vendre l'adorable nourrisson, dans une bonne famille où il sera heureux. C'est une boule de détresse, de rage et de contradiction cette jeune femme, prostituée très jeune, et qui vient de tuer le père du bébé, celui qui la pousse à se prostituer et voulait qu'elle avorte. Elle ne parle jamais à son enfant. Elle laisse aux hommes, le plus souvent, le soin de le bercer et de le nourrir. Et pourtant....
Le trio part donc dans un long road-movie dans la fourgonnette de pressing. Trio devenu quatuor, car dans le coffre s'est glisse un pensionnaire de l'orphelinat, Hae Jin, un marmot rigolo et rigolard, rond comme une boule, qui ne se sépare jamais de son ballon de foot. Mais les familles ne conviennent jamais.... Pendant ce temps, la commissaire Soo-Jin (Doona Bae), flanquée de son adjointe (Joo-Young Lee) suit les délinquants novices à la trace, obsédée par l'intention d'arrêter en flagrant délit les responsables d'un trafic qui lui apparait comme scandaleux. Espérant persuader So-Young de se désolidariser de ses complices d'occasion. Sûrement compliquée aussi Soo-Jin, qui n'a pas d'enfant et passe son temps à grignoter.
Et derrière eux, il y a aussi les malfrats envoyés par la veuve qui veut, elle aussi, récupérer le marmouset.
Le problème pour le spectateur, c'est qu'il les aime, ces crapules attendrissantes qui, malgré tout, veulent le meilleur pour le bébé et s'en occupent avec une tendresse vigilante. Sur une plage, dans une chambre de motel, dans l'habitacle de la fourgonnette, on les suit, et c'est à leur façon une vraie famille.... et quand l'inénarrable Hae Jin, pour faire une bonne farce, ouvre une fenêtre en plein milieu d'un car-wash, se fâchent ils? Non, ils rient...; C'est un film si tendre et si prenant à la fois qu'on en sort heureux. Ce n'est pas un vrai feel good movie, car tout ne s'est pas bien terminé pour tout le monde. Mais c'est un très beau film.